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d’ardeur et de confiance dans le résultat de l’opération qui leur était confiée. Cette opération, d’une nature fort délicate, était, pour le succès de la conspiration, d’une importance capitale. Il s’agissait, on l’a vu, de s’emparer du ministère de la police et de la personne du duc de Rovigo. Le coup fait, Lahorie devait immédiatement se faire reconnaître par les employés et commencer l’organisation du nouveau service.

Le ministre était encore au lit quand le détachement commandé par Guidal et Lahorie parut devant son hôtel, qui fut occupé sans résistance. Quelques hommes du peuple qui, chemin faisant, s’étaient joints à la troupe, voulaient lui faire un mauvais parti. Lahorie les contint, — le duc de Rovigo (Savary) avait été jadis son compagnon d’armes, — et, pour éviter qu’il lui arrivât malheur, il chargea Guidal en personne de le conduire sous bonne garde à La Force. Ce trait de générosité fut, dit M. Hamel, une faute irréparable. Il eût mille fois mieux valu garder Savary « comme otage ; » en tout cas, ce n’était pas à Guidal qu’il aurait fallu confier une tâche dont le premier caporal venu se serait fort bien acquitté.

Quoi qu’il en soit, Lahorie ne laissa pas de déployer, pour le reste, beaucoup d’activité. Ses instructions portaient qu’après avoir organisé le service, il irait prendre possession de la préfecture de police. Il s’y rendit de sa personne, accompagné de Boutreux, se fit reconnaître du poste et conduire aux appartemens du préfet, baron Pasquier. Cet homme, inoffensif et doux, ne fit pas l’ombre de résistance ; il se laissa, de la meilleure grâce du monde, mettre en fiacre et conduire à La Force, accompagné de son premier chef de division. Cela fait, Lahorie retourna vite à son ministère, laissant à Boutreux le soin de disposer toutes choses en vue de la prompte exécution des ordres du nouveau gouvernement.

Dans le même temps, le colonel Soulier, conformément aux instructions qu’il avait reçues, occupait, toujours sans aucune résistance, l’Hôtel de Ville et la place de Grève. Le préfet de la Seine, comte Frochot, avait découché. Quand il rentra, vers dix heures, mandé par un exprès, il trouva sur sa table le texte du sénatus-consulte et la proclamation de Malet. Ces documens, qu’il lut avec beaucoup d’attention, ne lui parurent nullement suspects ; même sur la demande du colonel Soulier, il s’empressa de faire disposer les salles nécessaires à la réunion du gouvernement provisoire et à l’état-major du général commandant la place de Paris.

Sur ces trois points, le ministère de la police, la préfecture de police et la préfecture de la Seine, le plan du général Malet avait donc complètement réussi. La conspiration tenait entièrement trois des principaux rouages du gouvernement ; il ne lui restait plus, pour atteindre ses fins, qu’à s’emparer de la place. C’était, à la