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sur la côte asiatique éventée. En débarquant sur l’île de Walcheren en 1809, les Anglais donnèrent à nos vaisseaux le courage de franchir les bancs périlleux de l’Escaut et de remonter ce fleuve jusque sous les murs d’Anvers. L’empereur en reçut la nouvelle peu de jours après la bataille de Wagram, et ne put s’empêcher d’observer en souriant que l’approche de l’ennemi avait eu sur l’esprit de ses amiraux plus de puissance que n’en eurent jamais ses ordres. Alcidas montrait, depuis son départ de Corinthe, une répugnance des plus prononcées pour la haute mer ; nul navarque ne s’était jusqu’alors accroché avec plus de ténacité à la côte. Quand les éclaireurs athéniens, paraissant devant Éphèse, lui firent craindre d’avoir bientôt toute la flotte de Pachès sur les bras, il se lança sans hésitation au large ; la flotte du Péloponèse fit directement route de la rade d’Éphèse vers la pointe méridionale de l’Eubée.

Les Athéniens ne soupçonnaient de la part d’Alcidas ni tant de résolution à braver la tempête, ni tant de timidité à les affronter ; ils continuèrent donc de chercher les Péloponésiens sur la côte d’Asie, poussèrent jusqu’à Pathmos, et, ne rencontrant nulle part les forces que leur avaient signalées le Paralos et la Salaminienne, ils revinrent jeter l’ancre devant Mytilène. Pendant ce temps les quarante-deux vaisseaux d’Alcidas erraient dispersés en vue de la Crète, et faisaient le pénible essai d’une navigation à laquelle nulle épreuve ne les avait encore préparés. Il réussirent enfin à se rallier, battus de l’orage, sur les côtes de l’Élide. Le port de Cyllène, aujourd’hui Clarentza, les reçut et leur permit de procéder aux réparations nécessaires. C’est là que les rejoignirent treize trières de Leucade et d’Ambracie, qui leur furent amenées par Brasidas, fils de Tellis. Nous avons déjà rencontré Brasidas au siège de Modon et au combat de Naupacte ; il était à Naupacte un des conseillers de Cnémos. La pratique de la mer ne fut pas généralement le fait des montagnards nourris sur les bords de l’Eurotas ; mais comme les brigadiers embarqués pour l’Égypte en 1798, comme les aides de camp de l’empereur placés aux côtés de Villeneuve en 1804, les représentans des éphores apportaient leur force morale sur la flotte du Péloponèse, et cette force consistait surtout dans la ferme croyance que rien n’était impossible à des Spartiates. Brasidas secoua l’apathie du nouveau navarque à peine remis des émotions de sa longue traversée. On avait sous la main cinquante-trois vaisseaux de guerre. Pourquoi ne se portait-on pas immédiatement sur Corcyre ? Alcidas se laissa convaincre. Il partit de Cyllène et conduisit sa flotte à la hauteur du promontoire Leucimne. Les Corcyréens ne s’attendaient pas à pareille visite. Confians dans l’alliance d’Athènes et dans la suprématie navale de leur puissante alliée, ils savouraient en paix