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Pantera lui-même, ce qu’ils vous donnent « pour vu, » vous pouvez l’accepter sans crainte ; vous le trouverez d’ailleurs généralement vraisemblable ; méfiez-vous, et beaucoup, de ce qu’ils vous rapportent « pour l’avoir entendu. » Les vieillards du capitaine Pantero Pantera m’inquiètent, car je ne demeure pas moins embarrassé quand il me faut ranger trois rames sur un seul banc, que lorsqu’il m’est enjoint de les disposer sur trois gradins distincts. « Je n’ai jamais vu, ajoute avec sa bonne foi habituelle l’excellent triérarque du pape, je n’ai jamais vu de galère à trois rames par banc ; je ne puis donc me prononcer sur les avantages de l’un et de l’autre système. Je dirai cependant qu’une telle quantité de rames doit être, à mon avis, chose gênante ; je ne vois plus trop où l’on pourrait placer les soldats, comment on leur donnerait accès aux arbalétrières. Si l’on voulait les placer, comme on le fait dans les galéasses, sur un pont volant au-dessus des rameurs, la galère en serait alourdie et perdrait encore de sa marche. » Tel est cependant le parti qu’on semble avoir adopté dans l’antiquité. « Combattez à outrance, disait Nicias aux Athéniens ; ne lâchez pas prise avant d’avoir exterminé tout ce qui se trouve sur le pont ennemi ! C’est aux hoplites plus encore qu’aux matelots que je m’adresse, car ce sont eux qui occupent le tillac. » Tout cela est fort clair, aussi clair que les institutions militaires de l’empereur Léon. « Périssent, serais-je tenté parfois de m’écrier, les textes malencontreux qui viennent obscurcir ce que, sans leur secours, je m’explique, à cette heure, si bien ! Et vous, Gênes et Venise, ne compliquez pas la question : vous n’avez jamais essayé de faire asseoir sur une seule planche trois rameurs ayant chacun en main un aviron ; votre banc n’est qu’une façon de parler ; il n’indique pas un siège, il indique un espace. C’est le poste à canon de nos vaisseaux modernes. En ces sortes de matières, la lettre tue et l’esprit vivifie ; « un plat de matelots » embarrasserait fort peut-être les commentateurs de l’avenir, si nous ne prenions soin de les avertir ici que par cette locution nous entendons l’escouade ou la série qui se réunit communément à la même table. Onze rames peuvent signifier, dans les comédies d’Aristophane, onze navires ; pourquoi donc trois rames ne signifieraient-elles pas, dans les statuts génois, trois rameurs ? » Je me croyais soumis et voici que de nouveau je m’insurge. N’y a-t-il pas en effet sujet de s’insurger quand il faut, pour se mettre d’accord avec la critique, supposer que des marins ont, pendant plus de vingt siècles, cheminé sans l’apercevoir à côté de la solution que le premier batelier veûu eût trouvée ?

Passons outre ! Si nous ne savons pas exactement de quelle façon les rameurs de l’antiquité et ceux du moyen âge étaient assis, nous