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L’ÎLE DE CYPRE.

chercher, à la joie de trouver, à l’enivrement de la découverte longtemps poursuivie parmi toute sorte d’obstacles et qui éclate soudain, avec tout son imprévu et toutes ses surprises ! Ces dix années avaient eu peut-être leurs heures d’ennui et de tristesse ; mais elles n’avaient certes pas été perdues ni pour lui ni pour la science. Dans ses explorations et ses conquêtes, il avait fort bien fait les affaires des érudits et des historiens sans que les siennes eussent à en souffrir. Depuis surtout qu’il était devenu l’héritier des prêtres de Curium, il avait toute raison de croire que ses opérations, malgré les dépenses considérables qu’elles avaient exigées, seraient loin de se solder en perte, En même temps il y gagnait l’honneur d’inscrire son nom, dans les annales de l’archéologie militante, sur la même ligne que celui de Schliemann, assez près des noms illustres d’un Botta, d’un Layard ou d’un Mariette.

La collection était attendue avec une vive curiosité en Europe ; elle y parvint sans accident et fut très admirée à Paris comme à Londres ; mais les grands musées européens auraient voulu pouvoir faire leur choix et prendre chacun ce qui lui convenait. De son côté, M. de Cesnola désirait voir la collection garder son unité ; il tenait surtout à ne point laisser partager le trésor de Curium. C’était l’intérêt des savans, qui regretteraient de voir morceler cet ensemble ; c’était aussi l’intérêt de l’auteur des découvertes, dont le souvenir aurait plus chance de se perpétuer s’il se trouvait lié à la fortune d’un groupe de monumens dont la permanence fût assurée pour une longue suite d’années. D’un autre côté le Musée de New-York était engagé par sa première acquisition ; sous peine d’abdiquer son originalité, de renoncer à ce qui devait faire sa supériorité, il devait chercher à s’emparer de cette seconde moisson d’objets cypriotes et particulièrement du trésor, merveille unique. Ceux qui avaient ainsi mêmes intérêts et mêmes désirs ne pouvaient manquer de s’entendre. La seconde collection Cesnola, comprenant tous les bijoux de Curium, fut donc acquise en 1876 par le Musée métropolitain, au prix de 45,640 dollars, environ 230,600 fr. M. de Cesnola dit adieu à la carrière diplomatique et s’établit à New-York, auprès des monumens que lui devait l’Amérique. Nommé l’un des trustees et secrétaire du Musée, il s’est chargé de présider à l’arrangement de la collection ; mais celle-ci ne pourra être exposée complètement et bien étudiée que dans un an, lorsque le Musée aura quitté son abri provisoire pour s’établir dans l’édifice que les amis de l’art devront à la libéralité de l’état de New-York. En attendant, le trésor de Curium a seul été mis tout entier sous les yeux du public, beaucoup de vases et de statues sont encore dans des caisses. Celles-ci réservent encore, paraît-il, plus d’une surprise aux archéologues ; elles renferment bien des objets qui ont été