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L’ÎLE DE CYPRE.

Jamais on n’avait rencontré réunis autant de joyaux de plus riche matière et de styles plus variés. Il y avait là des bracelets en or massif dont deux pèsent à eux seuls plus de trois livres anglaises ; plusieurs autres ont de deux à trois cents grammes. L’or s’y rencontrait à profusion sous toutes les formes, bagues, pendans d’oreilles, amulettes, flacons, petites boîtes, épingles de cheveux, larges colliers ; l’argent y était encore plus abondant, en bijoux et en vaisselle ; il y avait aussi de l’electrum, alliage d’or et d’argent. On y trouva du cristal de roche, des cornalines, des onyx, des agates, toutes les variétés de pierres dures, des pâtes de verre, des cylindres en pierre tendre, des figurines en terre cuite, des vases en argile, ainsi que des objets de bronze, lampes, trépieds, candélabres, sandales, sièges, vases, armes, etc. Un certain ordre régnait dans ce dépôt. Les bijoux d’or furent recueillis surtout dans la première chambre. La seconde renfermait la vaisselle d’argent, rangée sur une sorte de rebord taillé dans le roc à 20 centimètres au-dessus du sol ; par malheur, elle a été plus attaquée par l’oxydation que les objets d’or, et, des amas de métal qui tombaient en poussière quand le doigt les touchait, on n’a pu tirer qu’un petit nombre de ces coupes qui, dans ces derniers temps, ont si vivement piqué la curiosité des archéologues par leur décoration toute inspirée de l’art égyptien. La troisième chambre contenait quelques lampes et fibules de bronze, des vases d’albâtre, et surtout les groupes et les vases de terre, la quatrième les ustensiles de bronze, parmi lesquels s’en trouvaient plusieurs de cuivre et de fer. Au-delà de celle-ci se continuait un étroit couloir aussi creusé dans le roc, que M. de Cesnola explora jusqu’à 10 mètres de distance ; à ce point, il fut obligé de s’arrêter. L’air n’était plus respirable ; les lampes s’éteignaient. On retira de ce corridor sept chaudières de bronze. Des tentatives répétées furent faites, sans succès, pour atteindre, au moyen de puits forés à cet effet, le prolongement de ce tunnel ; on ne rencontra que le roc.

Ce qui, dans tous ces objets, est plus précieux encore que les matières employées, c’est la manière dont elles ont été mises en œuvre, c’est la variété des provenances. Plusieurs scarabées en stéatite paraissent bien de fabrique égyptienne ; sur l’un d’eux on lit le cartouche de Thoutmès III. Un certain nombre de cylindres sont certainement assyriens et chaldéens. Les inscriptions cunéiformes et les symboles de plusieurs d’entre eux nous reportent à peu près, d’après les assyriologues, à l’époque des Sargonides, c’est-à-dire au VIIIe siècle avant notre ère. Nombreuses sont les pierres gravées que le caractère des symboles, du travail et de la monture nous autorise à attribuer aux Phéniciens, les premiers qui aient vraiment su graver sur pierres dures. Par leurs