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tion naturelle : le dévoûment a ses élues. Il est des âmes religieuses comme il est des âmes mondaines ; seulement la piété s’unit ici intimement à la charité, à l’amour des pauvres et des enfans : « Vous ne pouvez vous imaginer le bonheur que j’éprouve en pensant que j’instruirai ces pauvres petits enfans abandonnés de leurs parens et que je leur parlerai du bon Dieu. » — « J’ai bien réfléchi, dit une jeune fille : soigner les malades, être la seconde mère des orphelins ; soulager les pauvres, les consoler, leur faire pratiquer leurs devoirs de religion, je ne sais rien qui me plaise davantage. »

Des professions les plus nobles et les plus élevées passons aux plus légères et aux plus mondaines, à celles de fleuriste ou de modiste. Le métier de fleuriste est très recherché, « parce que c’est gentil ; » mais les parens ne s’en soucient pas toujours, « ce n’est pas assez sérieux. » Il faut aller aux ateliers, « où l’on trouve quelquefois des personnes peu convenables. » Il y a donc un certain danger de ce côté. Mais le goût est bien vif, bien naturel et en soi bien innocent. Nous voyons ici pour les fleurs le même goût que tout à l’heure pour les enfans : « J’aime tant les fleurs ! » — « J’adore les fleurs ! » Voilà le thème commun, sur lequel quelques-unes ajoutent des variations agréables et délicates : « J’ai toujours eu un pot de fleurs sur ma fenêtre ; je le changeais avec la saison : d’abord des primevères, puis des œillets, puis des roses, puis des marguerites, et j’étudiais comment ces fleurs si harmonieuses étaient faites. » — « Quoi de plus agréable, dit une autre, que de pouvoir représenter ces belles fleurs ? » Et encore : « C’est si intéressant d’étudier et de reproduire la nature ! » On voit que ces jeunes filles sont séduites par ce qu’il y a de distingué et, j’ose dire, d’esthétique dans ce gracieux état : « Ce n’est pas un métier, c’est un art. » Ceux qui ont remarqué et admiré au Champ de Mars la ravissante exposition des fleurs artificielles parisiennes ne démentiront pas sur ce point notre jeune artiste. Enfin, comme toujours, il en est qui mêlent à leur choix des motifs pieux : « Je ferai des bouquets pour la sainte Vierge. » Quant à la profession de modiste, elle ne paraît pas avoir beaucoup inspiré celles qui désirent s’y livrer. Toutes ou presque toutes se bornent à ce motif : « Je ferai moi-même mes chapeaux. »

Une autre profession plus sérieuse que les précédentes est celle de caissière, de comptable, d’employée de commerce. Ici, plus d’imagination : c’est l’esprit positif qui domine : « J’aime à chiffrer ; » — « j’adore les chiffres ; » — « les multiplications et les divisions m’amusent ; » — « cela est si intéressant de tenir une caisse ! » Le désir du gain qui se lie naturellement à l’amour du commerce se montre ici très à découvert, et pourquoi pas ? Quelques-unes cependant y mêlent des idées plus générales : « Je m’intéres-