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L’ÎLE DE CYPRE.

mieux montré à quelles chances d’anéantissement étaient exposés, jusqu’à ces derniers temps, les monumens qui restaient abandonnés à eux-mêmes sur le sol de Cypre.


III

Le moment approchait où allaient commencer, sur divers points de l’île, des fouilles plus profondes et plus productives que toutes celles qui avaient été entreprises jusque-là par des villageois, égratignant le sol à la dérobée ou par des voyageurs toujours pressés. Le premier agent européen qui ait recherché les antiquités cypriotes, ce fut le comte de Maricourt, vice-consul de France à Larnaca. Sa famille et lui avaient l’habitude de se promener, les beaux soirs d’été, sur la plage marine ou le long du grand lac salé, qui s’étend au sud de la ville. Là, sur la pente d’une petite colline qui domine cette lagune, un jour, le consul, en remuant le sable du bout de sa canne, heurta et mit au jour une petite statuette de terre cuite ; il continua la fouille avec le même instrument et dégagea plusieurs autres figurines. Cette découverte toute fortuite le mit en goût. On revint le lendemain au même endroit avec quelques pelles et l’on fit de nouvelles trouvailles, distraction précieuse dans la vie monotone d’une petite ville turque. Chaque soir on pouvait voir la bande se diriger vers la colline pour y reprendre son travail de la veille ; on allait ramasser des statuettes comme en France on va cueillir des fraises ou des champignons. Les autres Européens, par courtoisie, et les indigènes, par crainte de déplaire au consul, s’abstenaient de toucher à ce terrain, où, d’après des inscriptions qui s’y montrèrent plus tard, devait exister jadis un temple de Déméter Paralia, divinité protectrice des marins. En peu de mois, M. de Maricourt eut une collection qui, dit-on, ne manquait pas de valeur ; elle contenait surtout de petites pièces de l’époque gréco-romaine.

En 1865, M. de Maricourt mourut à son poste, du choléra ; mais alors se mettaient à l’œuvre M. Hamilton Lang et Louis Palma de Cesnola.

Ce fut comme représentant d’une maison de commerce de Beyrouth que M. Lang vint, vers 1860, s’établir dans l’île ; mais, bientôt après, la Banque ottomane le nommait directeur du comptoir qu’elle fondait à Larnaca. Chargé, à plusieurs reprises, de gérer les affaires du consulat anglais pendant les absences des titulaires, il reçut, en 1871, le titre de vice-consul ; mais il y renonçait, dès l’année suivante, pour aller prendre la direction de l’importante succursale d’Alexandrie. Il a passé de là à Bucharest, d’où est daté le livre qu’il s’est décidé à écrire, après l’annexion de Cypre, pour