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lentement, elle rencontrera sans doute encore plus d’une difficulté, mais enfin elle marche vers le but définitif, toutes les conditions sanctionnées par la diplomatie européenne, toutes ces combinaisons qui doivent renouveler plus ou moins heureusement l’état de l’Orient entrent par degrés dans la réalité. La Russie, sans renoncer, bien entendu, à la pensée de profiter le plus possible de la guerre qu’elle a soutenue, ne laisse plus trop voir l’intention d’éluder le traité de Berlin. La Porte, sans pouvoir toujours secouer ses traditions d’inertie et de temporisation, fait ce qu’elle peut pour s’accoutumer à son destin et pour prendre son parti de son amoindrissement. La Porte en est encore, il est vrai, à se débattre avec ce projet de traité particulier que lui impose ou que veut lui imposer la Russie ; elle se défend contre les plans de réformes que l’Angleterre veut lui faire accepter pour l’Asie Mineure. C’est la partie la plus difficile, peut-être parce qu’elle est la plus vague. Sur d’autres points, le traité de Berlin s’exécute peu à peu. Du côté de la Roumanie, de la Serbie, tout est à peu près réglé. Du côté du Monténégro, il y a plus de lenteurs que de difficultés réelles dans l’exécution des clauses de la paix. L’Autriche est pour sa part en arrangement avec la Turquie pour l’occupation de la Bosnie. On vient en même temps de prolonger le mandat de la commission internationale qui a été chargée de l’organisation administrative de la Roumélie et qui n’a point encore achevé son œuvre. Enfin la Porte s’est décidée, non sans peine, à nommer des commissaires pour arriver à fixer la frontière nouvelle de l’empire ottoman et de la Grèce, pour résoudre cette question de délimitation que M. le ministre des affaires étrangères de France a pris à cœur en s’inspirant des traditions de patronage de notre pays envers la nationalité hellénique. C’est tout un ensemble de négociations laborieuses qui se poursuivent, où toutes les puissances portent visiblement à l’heure qu’il est un esprit pacifique. La France a été à coup sûr la plus désintéressée des puissances dans ces arrangemens nouveaux de l’Orient. Elle s’est prêtée à tout avec le zèle le plus évident de conciliation. Elle n’a voulu rien faire que d’intelligence avec tout le monde, et M. Waddington l’a prouvé une fois de plus, en provoquant l’accord de tous les cabinets sur cette question des frontières helléniques à laquelle il a attaché un juste prix. La France n’a laissé aucun doute sur la sincérité avec laquelle elle a servi la cause de la paix européenne, et plus elle a montré de loyauté, de désintéressement dans ces affaires générales, plus elle avait le droit d’écarter d’une main ferme et résolue le médiocre incident de Tunis qui s’est produit récemment, dont elle n’a point été après tout fort troublée.

Assurément, ce n’était là qu’un de ces incidens qui traversent tout au plus un moment la politique. Il s’agissait d’un contrat consenti il y a déjà bien des années par le bey de Tunis au profit d’un Français, M. le comte de Sancy, pour l’établissement d’un haras. Ce contrat, qui paraît