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les degrés, réintégrer l’état dans un droit trop facilement aliéné, maintenir sans faiblesse l’indépendance et les prérogatives de la société civile contre tous les empiétemens d’église, s’inspirer de l’esprit traditionnel qui a passé dans le concordat, c’est la pensée de M. le ministre de l’instruction publique. C’est ce qu’il a voulu traduire dans ses lois ; mais en sauvegardant dans leur intégrité les droits de l’état et du pouvoir civil il entend se défendre de tout esprit de réaction contre la liberté de l’enseignement. Il ne s’engagera pas dans des persécutions religieuses faites pour troubler et enflammer les consciences. Il ne déviera pas de la politique libérale, et c’est la pensée du gouvernement tout entier, comme de M. le ministre de l’instruction publique, dans toutes les lois qui vont être présentées, dans la ligne de conduite qu’on se propose de suivre. Là comme pour l’amnistie il n’y a certainement rien qu’une majorité républicaine ne puisse s’empresser d’accepter et de soutenir.

Il resterait donc, en mettant de côté cette velléité de mise en accusation du ministère du 16, qui ne peut être une idée sérieuse, qui rencontrerait l’énergique résistance de M. le président du conseil, — il resterait la question qui revient sans cesse, qui est agitée sous toutes les formes, qui est représentée comme la plus impérieuse et la plus pressante : c’est la question du renouvellement du personnel administratif et judiciaire. Il n’est point douteux que le gouvernement s’expliquera sur ce point comme sur tous les autres, comme sur les finances et les travaux publics, qu’il donnera toutes les assurances qu’il peut donner. Il est bien évident que, quand il a des fonctionnaires à nommer, il ne choisit que des agens suffisamment dévoués aux institutions nouvelles. On ne peut pas le soupçonner d’aller chercher ou de maintenir systématiquement, par complaisance, des employés infidèles ou hostiles. Que le gouvernement travaille à se créer par degrés une armée civile animée de l’esprit nouveau, rien de mieux. C’est une affaire de temps et de tact ; mais on finit vraiment par mettre une certaine puérilité dans cette bruyante et âpre insistance avec laquelle on poursuit une révolution complète du personnel des fonctionnaires. Que demande-t-on à M. le ministre de l’intérieur ? De tous les anciens préfets, il n’en reste qu’un seul ; de tous les anciens sous-préfets, il en reste tout au plus une douzaine. M. de Marcère est-il obligé de recommencer à tout propos l’épuration du personnel qu’il a choisi lui-même ? La question est bien plus délicate encore pour M. le garde des sceaux, qui a certes besoin de toute son autorité pour résister aux mille obsessions dont il est l’objet, et pour opérer en même temps avec une prudence attentive, avec maturité, les changemens qu’il croit nécessaires. M. Dufaure, que nous sachions, n’est pas resté lui non plus inactif depuis un an. Chaque député arrive de sa province avec toute sorte de griefs contre les fonctionnaires, avec une provision de juges de paix et