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le premier résultat acquis et conquis par le scrutin du 5 janvier, La question est maintenant dans les conséquences qui vont découler de ce déplacement de majorité, dans l’usage qu’on fera de cette victoire. M. Gambetta disait l’autre jour qu’après les dangers auxquels on avait réussi à échapper, l’ère des difficultés allait commencer. Il s’agit de savoir si les difficultés inévitables ne ramèneront pas aux dangers qu’on peut éviter. C’est tout le problème du moment, et, il ne faut pas s’y tromper, il est aussi pressant que sérieux pour les partis, pour le gouvernement, pour le ministère qui a conduit avec une prudente habilité les affaires du pays, depuis le 14 décembre 1877 jusqu’à la récente victoire électorale du 5 janvier. Tout peut dépendre de la manière dont les questions vont s’engager dans cette session décisive qui s’ouvre à l’heure qu’il est à Versailles.

Assurément, à ne consulter que la raison, la réalité des choses, les nécessités de toute sorte qui nous environnent, cette situation intérieure que les élections viennent de créer à la France n’a rien que de simple, et nous ajouterons même rien que de relativement facile. La politique qui s’impose aujourd’hui comme hier éclate en quelque façon à tous les yeux avec la force de l’évidence et de la logique ; elle se dégage de tout un ensemble d’événemens publics. Qu’on se rappelle cette succession de faits et de crises qui nous ont conduits là où nous sommes. La France, on le sait bien, s’est trouvée depuis quelques années dans des conditions particulières, vraiment extraordinaires, où elle a eu la plus grande peine à sortir du provisoire pour entrer dans un ordre régulier, défini, suffisamment approprié à ses intérêts comme à ses instincts : elle y est arrivée laborieusement comme on arrive à tout ce qui est nécessaire. Les partis des régimes déchus ont vainement essayé de la retenir et de la ramener, les uns à la restauration d’une monarchie qui s’est rendue elle-même impossible, les autres au rétablissement d’un empire couvert encore de la poussière sanglante d’une guerre néfaste, ils n’ont réussi qu’à démontrer leur impuissance ; ils se sont usés dans de vaines tentatives, et d’un autre côté, à mesure que les partis des gouvernemens déchus s’épuisaient en efforts stériles, les républicains, une classe nombreuse de républicains du moins, sentaient le besoin de se modérer, de se discipliner, de suivre le conseil de M. Thiers, répétant, avec son autorité persuasive, que l’avenir serait aux plus sages. La république est sortie de là, c’est ce qui l’a rendue possible. La constitution de 1875 a été le prix de la modération des républicains. C’est en évitant les violences et les emportemens périlleux, en s’attachant à la légalité, en la défendant, que les républicains ont pu traverser la crise du 16 mai, et le scrutin du 14 octobre 1877 a été comme une sanction nouvelle de la prudence qu’ils se sont imposée dans la lutte. Depuis plus d’un an il y a au pouvoir un ministère éclairé, animé d’intentions libérales, illustré par