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punique de la seconde, les Romains, organisant leurs conquêtes en Sicile et en Sardaigne, purgent la mer illyrienne des pirates qui l’infestaient et reculent leur frontière militaire jusqu’aux Alpes. L’Italie tout entière est donc à eux. La prise de Milan, la fondation des colonies de Plaisance et de Crémone ont consacré la défaite des Gaulois cisalpins.

De son côté, Carthage a beaucoup souffert de la révolte de ses mercenaires, appuyés par les populations lybiennes mécontentes. Cette guerre ne tarde pas à devenir atroce ; mercenaires et Carthaginois rivalisent de cruautés ; les crucifiées dans les deux camps se comptent par milliers ; seul, Hamilcar, que la jalousie des oligarques avait tenu à l’écart, peut venir à bout de cette insurrection terrible, et il le doit en grande partie à ce que beaucoup de mercenaires, ne pouvant résister à leur vieil attachement pour sa personne, passent de son côté. Cette rude besogne terminée, il se voue à l’exécution d’un plan qu’il mûrissait depuis que la perte de la Sicile était devenue pour lui certaine. Il s’agissait de deux grandes fins à poursuivre : compenser cette perte par l’acquisition d’un autre grand territoire, puis former une puissante armée capable de tenir tête aux légions romaines. C’est l’Espagne qui devait lui en fournir les moyens. Sa haine prévoyante contre Rome, qu’il faisait partager à ses enfans, préparait une revanche à lointaine échéance. Il se fait donc envoyer en Espagne avec la clause qu’une décision du peuple carthaginois pourra seule lui enlever ses pouvoirs de général en chef. Jusqu’alors, les Carthaginois avaient eu plutôt des comptoirs que des possessions dans la péninsule ibérique. Pendant neuf ans, moitié combattant, moitié négociant, il réussit à étendre l’empire carthaginois jusqu’au Tage. Là encore il dut autant de succès à son attrait personnel qu’au pouvoir de ses armes. Il mit en exploitation régulière les riches mines du pays, il initia les populations aux douceurs d’une civilisation avancée, bon nombre de chefs ibères sollicitèrent d’eux-mêmes leur annexion à l’empire punique. Il meurt les armes à la main en 228 ; son gendre, Hasdrubal, lui succède, fonde Carthagène (Carthago Nova), continue sa politique avec le même succès, et quand il meurt, assassiné par un Gaulois, Hannibal, fils aîné d’Hamilcar, est proclamé général en chef par ses soldats. Malgré sa jeunesse, il n’avait que vingt-six ans, ce choix fut approuvé à Carthage. Il semble que l’oligarchie carthaginoise se soit volontiers rattachée à un plan qui retenait les Barcines loin de Carthage, à peu près comme le sénat romain crut plus tard qu’il était d’une habileté suprême de reléguer Jules César dans les Gaules.

Les Romains avaient fini par s’inquiéter de cet accroissement de puissance de leurs rivaux. Ils avaient noué des alliances avec des