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pertes les plus sensibles, et qui se seraient à la fin terminées par d’irréparables désastres si le gouvernement de Carthage avait fait de plus vigoureux efforts pour profiter de la situation ; mais des vues mesquines d’économie et de jalousie s’y opposèrent. Carthage se croyait à l’abri de toute nouvelle attaque depuis l’insuccès de Régulus, et trouvait son compte à laisser la guerre nourrir la guerre en Sicile.

La première guerre punique eut pour clôture une grande défaite navale des Carthaginois devant les îles OEgatiennes (241 ans avant Jésus-Christ). A la fin, et apprenant que les Romains avaient de nouveau construit une flotte, les gouvernans de Carthage avaient pris peur et en avaient armé une aussi. Cette nouvelle défaite sur mer les découragea, et, comme Hamilcar jugeait lui-même la continuation de la guerre impossible, comme on n’était guère moins fatigué à Rome qu’à Carthage, on se décida des deux côtés à conclure la paix. Carthage dut renoncer entièrement à la Sicile, s’engager à respecter les états de Hiéron et de ses alliés, et à payer, dans le délai de vingt ans, une indemnité de guerre de 2,200 talens, plus 1,000 comptant. C’étaient des conditions beaucoup plus douces que celles qui avaient été proposées par Régulus douze ans auparavant, Mais il se passa une chose singulière ; quand ces conditions furent soumises à l’approbation du peuple romain, celui-ci se déclara non satisfait. Carthage envoya des plénipotentiaires qui l’apaisèrent en ajoutant 1,100 talens ;[1] à l’indemnité, mais, qui demandèrent à la payer en dix ans au lieu de vingt. Nous pouvons conclure de là que Carthage trouvait le chiffre de l’indemnité très tolérable. Elle se fiait pour l’acquitter à ses étonnantes ressources agricoles et commerciales. Les Romains, de leur côté, furent éblouis par le chiffre brut de la somme proposée et ne comprirent pas très bien ce que leur rivale devait de richesses à son trafic maritime et à ses colonies.


III

La seconde guerre punique, celle d’Hannibal, est la mieux connue des trois. Nous en rappellerons rapidement les principaux momens pour nous étendre un peu plus sur le caractère et les vues politiques du grand homme qui en fut le principal héros. M. Bosworth Smith a mis en relief, avec beaucoup d’art et de sagacité, les titres de l’illustre Carthaginois à l’admiration des siècles.

Pendant les vingt-deux ans qui séparent la première guerre

  1. Le talent enboïque pesait 25 kilos 196, ce qui ferait correspondre le total au poids de 18,627,200’ francs. Mais il faut multiplier ces chiffres au moins par vingt pour avoir une valeur réelle correspondante en monnaie moderne.