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doux, à la seule condition qu’on ne voulût pas le secouer. Mais que fallait-il faire de la Sicile ? Terre, pour ainsi dire, italienne, prolongement de l’Italie dont elle était à peine séparée, ne devait-elle pas, elle aussi, entrer dans la confédération ? Pourtant c’était sortir de la péninsule proprement dite, c’était se lancer dans des luttes toutes nouvelles, maritimes, affronter l’inconnu, et nous voyons que le sénat hésita longtemps avant de s’embarquer dans l’entreprise dont l’occasion lui fut offerte par un incident tout particulier.

Voici ce qui s’était passé : Lorsque Agathoclès, chef militaire de Syracuse, mourut l’an 289 avant notre ère, ses troupes mercenaires furent licenciées. Une bande assez nombreuse, recrutée en Campanie, retournait en armes dans son pays, lorsque l’idée vint aux soudards qui la composaient de s’emparer par surprise de Messine qui les avait accueillis amicalement. Ils tuèrent ou chassèrent les habitans mâles, se partagèrent les femmes et les enfans, et se mirent à brigander dans tout le pays d’alentour. Les Carthaginois et Hiéron, le nouveau maître de Syracuse, durent se concerter pour venir à bout de ces bandits qui s’étaient mis hors la loi des nations, et Hiéron se disposa à faire le siège de Messine. Les Mamertins ou fils de Mars, — ainsi s’appelaient ces bandits, — cherchèrent des protecteurs. Les uns songeaient à s’entendre avec Carthage, les autres préféraient l’alliance romaine et invoquaient les secours de Rome en leur qualité d’Italiens.

Le sénat fut très perplexe. Laisser Messine tomber au pouvoir des Carthaginois, faire la sourde oreille à des confédérés réclamant du. secours, ébranler ainsi le prestige si nécessaire au maintien de la suprématie romaine, c’était très grave. D’autre part, les Mamertins n’étaient pourtant que des brigands. Rome devait-elle accepter la solidarité de leurs crimes, se prononcer contre Hiéron, son allié, qui venait justement de lui rendre d’éminens services en l’aidant à délivrer Rhegium d’une autre troupe de mauvais drôles qui avaient aussi surpris cette ville, engager enfin la lutte avec Carthage sous un prétexte aussi détestable ? Ces raisons ne touchèrent pas le peuple romain, à qui le sénat, n’osant se décider, soumit toute l’affaire. Les consuls Appius Claudius et Fulvius Flaccus étaient ambitieux. La Sicile avait une réputation méritée de richesse agricole. Le peuple se prononça pour l’alliance avec les Mamertins et décréta par cela même la première guerre punique. Cette guerre dura vingt-deux ans, de 264 à 241, et fut une des plus meurtrières que l’on connaisse. Elle coûta aux Romains plusieurs armées et sept cents vaisseaux montés par 70,000 hommes.

Quatre points sont à relever dans ses multiples péripéties : la création de la marine de guerre romaine, l’expédition de Régulus en