Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rentraient au campement et on leur distribuait une ration d’orge ; chaque homme apportait en outre une provision d’herbe fraîche pour la nuit. On avait soin aussi de préparer autour du parc de gros tas de bois, et toute la nuit de grands feux étaient allumés pour éloigner les bêtes féroces ; pendant ce temps, la moitié de mes gens montait la garde ; je les avais partagés en deux escouades de dix-huit hommes chacune, ce qui leur permettait de se reposer une nuit sur deux.

« Le cheval galla ressemble tout à fait au pur sang russe ; il en a les jambes fines, la tête fière, la croupe pleine et rebondie, le sang chaud et ardent ; la robe surtout est magnifique. Du reste je ne me dissimulais pas les peines que j’aurais pour sauver les miens. Habitués à vivre sur les hauts plateaux où la température est égale et douce, toujours bien soignés, bien nourris, comment se verraient-ils transportés tout à coup sous un ciel torride, n’ayant qu’une mauvaise nourriture, point d’eau le plus souvent, et devant eux un désert de près de deux mois à traverser ? A plusieurs reprises on a essayé de conduire des chevaux gallas à la côte, la plupart ont péri avant d’arriver.

« La civette était pour moi un autre sujet de préoccupation. Rien de plus gracieux que cet animal, qui produit le musc et qui se trouve en grande abondance dans les pays gallas ; par la taille et le pelage, il rappellerait l’hyène, mais il a le museau plus fin et les formes bien plus délicates ; il ne s’apprivoise jamais, quelques soins qu’on prenne de lui, et on est forcé de le tenir constamment enfermé dans une étroite cage de bois à claire-voie. Celle-ci avait, attachés à son service, un homme pris dans mon personnel et un chameau pour porter sa cage ; à peine arrivés au campement et ma tente dressée, le premier soin était de mettre la civette à l’abri. Comme cette bête ne se nourrit que de lait et de viande fraîche, et que dans le désert je n’avais pas toujours à portée une nourriture semblable, il fallait s’en procurer à grand’peine et souvent au prix de beaucoup d’argent.

« Mercredi 5. Partis hier matin de Détarah, après trois heures de marche, nous avons campé à Arwoareh. Nous nous remettons en route cette après-midi pour arriver à Gahardas à la nuit. Là point de source, j’étais prévenu ; point d’herbe non plus ; j’avais apporté une provision d’eau dans des peaux de bouc, je la fais verser dans des marmites ; mais les chevaux, pour la plupart accoutumés à boire à la source, refusent d’y toucher ; on leur distribue de l’orge à défaut de fourrage.

« Jeudi 6. Nous partons de Gahardas avant le jour ; vers trois heures de l’après-midi, nous arrivons sur la rive gauche de