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fonctionnaires présens à Zeila, leur donna lecture de la lettre qu’il venait de recevoir, leur expliqua toute l’affaire, les plans du voyageur, l’importance qu’il s’était acquise au Choa : Obock devenu port franc, c’était la ruine de Zeila, la perte de tous les droits de douane qu’on y percevait. La délibération ne fut pas longue ; à l’unanimité l’assemblée décida que le Français n’irait pas à Obock et qu’on prendrait les mesures nécessaires pour l’en empêcher. Cependant M. Arnoux, ignorant de toutes ces intrigues, entreprenait un nouveau voyage dans les pays gallas.

« Le samedi 25 mars, dit-il, je quittai Litché avec tout mon monde, une trentaine de gens environ, mes bagages et mes provisions ; le soir nous couchons à Tsieraro. Azadj Woldé Tsadek avait pris les devans et était allé m’attendre dans une de ses possessions. Tous les mesleniés ou chefs de villes rivalisaient entre eux de zèle et de bon vouloir. Ils avaient appris que je me proposais de rentrer en France pour remplir une mission confiée par le roi, puis de revenir au Choa avec un certain nombre de mes compatriotes et d’y fonder une colonie ; tous dans leur enthousiasme demandaient à y être admis.

« Le dimanche 26 était jour de marché ; je fus surpris de voir les groupes que je rencontrais sur mon passage pousser en m’apercevant des cris d’allégresse, comme en présence du roi ; j’en demandai l’explication. J’avais dans mon personnel un Éthiopien nommé Savatou, qui avait habité l’Égypte et Massaouah ; il nous précédait à quelque distance, et toutes les fois qu’il rencontrait un groupe de ces braves gens, il leur disait à la façon du Chat-Botté dans les contes de Perrault : « En vérité, je vous le dis, je suis le serviteur d’un Français, ami du roi ; il fera du bien dans notre pays ; vous allez le voir passer, saluez-le. » Cette plaisanterie de Savatou avait eu le résultat que l’on sait.

« Le lundi 27 j’étais à Okfeleh ; on me fit voir près de là, dans la direction du nord-est une mine de houille dont les affleuremens très apparens mesurent une vingtaine de mètres ; l’endroit s’appelle Elliassaguer. Le lendemain je couchai à Idemoco, domaine du roi ; nous entrions dans les terres chaudes. Le 29 mars, je me dirigeai vers Fentaleh, montagne historique, aujourd’hui inhabitée ; on y voit, dit-on, très reconnaissable encore, le cratère d’un ancien volcan et d’immenses forêts où le thé abonde à l’état sauvage. Nous traversons le Kassem, petit fleuve qui prend sa source dans le Mingiar et va rejoindre l’Aouach ; il est large de 30 mètres et plus, et, poulie passer, nos mules et nos chevaux avaient de l’eau jusqu’au ventre. Nous arrivons ainsi à des sources thermales, d’une température fort élevée, où les indigènes viennent prendre des bains