punitions, qui sont plus fréquentes dans ce quartier que dans aucun autre de la maison, mais qui ne sauraient être bien redoutables, rien n’étant difficile comme d’introduire le châtiment dans le châtiment quand on ne veut pas blesser l’humanité. L’aumônier, dont ils ont entendu railler la robe dès leur enfance, est pour eux, dés qu’il a le dos tourné, un sujet de lazzis. L’instituteur a plus de succès, car l’étude les désennuie. Mais, sans méconnaître l’utilité future des notions qu’on leur donne, je ne suis pas de ceux qui croient à la vertu régénératrice de l’arithmétique ou de la géographie séparées de l’enseignement moral. Or, à l’enseignement moral ils ne sont pas moins rebelles qu’à l’enseignement religieux, dont il est, au reste, si difficile de le distinguer pour de jeunes intelligences. Il suffit d’étudier leurs physionomies pour se rendre compte de l’endurcissement où ils vivent. Je les ai tous regardés, alors qu’ils défilaient devant moi pendant la promenade d’une demi-heure qu’on leur impose à la sortie du réfectoire, en file silencieuse et ordonnée, rigueur nécessaire qui maintient la sévérité du régime pénitentiaire jusque dans un moment de liberté relative, mais qui fait une vive impression sur les visiteurs inaccoutumés. Chacun d’eux saluait en passant le directeur avec une humilité affectée et se détournait ensuite pour cacher son rire. Je cherchais sur ces jeunes visages une expression de repentir, de tristesse ou même de sérieux ; je ne la trouvais point. On n’y lisait que l’insouciance et la bravade. Un seul cependant me frappa par son visage pâle et son allure affaissée. J’interrogeai : on me dit que c’était un jeune homme, issu d’une petite famille bourgeoise, qui avait été condamné à une peine assez longue pour détournement d’une somme d’argent considérable et qui, depuis son entrée dans la maison, protestait de son innocence, se disant victime d’un faux témoignage. Si ce n’est pas un de ces habiles comme il y en a tant, s’il y a là effectivement une de ces erreurs qui peuvent échapper à la justice la plus scrupuleuse, on n’ose mesurer par la pensée ce que ce malheureux doit souffrir, confondu dans un pareil milieu.
Néanmoins et malgré ces mécomptes, il faut maintenir le quartier de jeunes adultes de Poissy, et cela pour un double motif : d’abord parce que certaines raisons sur lesquelles il ne m’est pas possible d’insister rendent l’existence d’un quartier de jeunes adultes nécessaire au bon ordre et à la discipline dans toute maison centrale, ensuite parce que c’est un acheminement vers une réforme qu’il faudra tôt ou tard entreprendre. Lorsque la loi s’occupera de régler le mode d’exécution des longues peines comme elle règle depuis peu celui des courtes peines, il faudra supprimer entre les différentes formes de privation de la liberté des distinctions