Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuit par groupes de huit à dix, sans lumière et sans surveillance ? L’existence d’une prison comme Sainte-Pélagie est chose humiliante, dans une ville comme Paris qui devrait se piquer d’offrir des modèles dans tous les genres, et de plus elle est ruineuse pour le budget de la préfecture de police qui y a dépensé depuis plusieurs années des sommes considérables en réparations indispensables sans pouvoir y introduire des améliorations dont la prison n’est pas susceptible. On ne s’étonnera donc pas que presque rien n’ait été fait à Sainte-Pélagie pour les jeunes adultes, qu’on n’y envoie du reste que quand ils sont récidivistes. Lors de ma dernière visite, il s’en trouvait soixante-cinq. La seule précaution qui ait été prise a été de leur réserver un dortoir spécial dit des conducteurs, parce qu’il était autrefois affecté aux cochers condamnés pour contraventions. Ce dortoir ne contenant que quarante lits, on y admet de préférence les jeunes gens qui ont conservé l’apparence et la complexion presque enfantine, et lorsqu’un chômage momentané désorganise l’atelier où ils travaillent, on a la précaution de les faire remonter au dortoir, plutôt que de les laisser au milieu de la grossièreté d’un atelier de détenus oisifs. Mais l’insuffisance du personnel ne permet pas de soumettre à une surveillance spéciale de jour et de nuit ces jeunes gens, qu’il faudrait commencer par défendre contre leur propre corruption, et le dortoir des conducteurs n’est qu’un palliatif illusoire contre les inconvéniens de la promiscuité absolue. Dans l’état actuel des choses, on ne saurait. demander rien d’autre, et il n’y a qu’une mesure à prendre en ce qui concerne la prison de Sainte-Pélagie : la démolir.

La Santé et Sainte-Pélagie sont les seules prisons de la Seine où des mineurs de seize à vingt et un ans subissent régulièrement leur peine. Ceux qui sont condamnés à plus d’une année d’emprisonnement, à la réclusion ou aux travaux forcés, sont transférés, les premiers à Poissy ou à Clair vaux, les seconds à Melun, les derniers à Saint-Martin-de-Ré, d’où ils partiront bientôt pour la Nouvelle-Calédonie. Mais le temps qui s’écoule pour tous les condamnés entre le prononcé de la sentence et le moment du transfert pouvant varier de quatre ou cinq jours à un mois, il a été nécessaire de leur affecter pendant cette attente une maison spéciale dont la désignation administrative est : dépôt des condamnés, mais qui est bien connue dans le peuple de Paris sous le nom de Grande-Roquette. C’est en effet dans cette maison que les condamnés à mort attendent le jour de leur exécution, et c’est sur la place même de la prison que se sont passées dans ces dernières années ces scènes de curiosité hideuse auxquelles une législation nouvelle va, je l’espère, mettre un terme. Mais ce ne sont là en quelque sorte que les