« malheureuse affaire » qui avait gâté sa carrière ; mais « il avait été entraîné par les circonstances : et puis les diplomates n’avaient pas voulu le comprendre, ils l’avaient contraint à user de procédés violens. » Le prélat avec lequel je cause, enclin comme tous les vieillards à préférer les hommes et les choses d’autrefois, stigmatise durement les misérables brigands d’aujourd’hui ; mais il a de secrètes indulgences pour Arvanitaki, qui était de plus fière race. « Je tombai une fois dans son camp, me dit-il, en allant visiter mes parens, qui demeurent dans le Pinde ; il était respectueux pour le clergé, me traita cérémonieusement, m’offrit les confitures et le café. Celui-là était un gentilhomme. » Je traduis littéralement, ; — kalos anthropos. — La fin de ce gentilhomme terrifia ses pareils : son émule Spano Vanghéli demanda à faire sa soumission, mais il refusa de se livrer purement et simplement à la foi turque et réclama la garantie d’un agent consulaire ou de quelque Européen. Les consuls ne pouvaient s’entremettre en pareille affaire ; un Français, concessionnaire de mines dans l’Olympe, respecté et connu de tous dans ce pays, offrit ses bons offices ; il se rendit bravement dans le repaire de Spano et se porta garant pour Méhémet-Ali. — Voici, tel que me l’a répété notre compatriote, le langage que lui tint le bandit : « Je vous suivrai au lieu de vous laisser ici comme otage, car nous savons qu’un Européen ne donne sa parole d’honneur qu’à bon escient ; mais c’est égal, si vous voulez un bon conseil, ne rejouez plus à ce jeu-là avec les brigands ; il ne vous réussirait pas deux fois. » Spano fut interné à Armyro, où il est encore. Les bandes moins illustres, découragées, vidèrent la campagne : l’amnistie fut proclamée, et l’âge d’or commença pour la Thessalie.
Indigènes et étrangers, tous ici sont unanimes à rendre hommage à Méhémet-Ali. On reconnaît bien, disent les premiers, le sang européen qui coule dans ses veinés. Il donne le spectacle rare d’une activité, d’une énergie de tous les instans ; les employés des bureaux de Larisse étaient, dit-on, plongés dans un douloureux étonnement à la vue de ce chef qui ne s’étendait jamais sur le divan, qui écrivait ou marchait en dictant ses ordres. Tout cela était trop beau pour durer : la Porte, appréciant justement la valeur de Méhémet-Ali, vient de lui confier les troupes destinées à contenir l’insurrection d’Herzégovine et les menaces du Monténégro. Au lendemain de son départ, les brigands en non-activité ont repris le fusil et regagné la montagne, Sotiri a quitté Salonique, comme je l’ai raconté plus haut ; les anciens auraient dit qu’après le départ d’Hercule les monstres dont il avait purgé la Thessalie reparaissaient. De nouveau la malheureuse province est en proie aux déprédations et à la terreur, et voilà en partie pourquoi je ne verrai pas Pharsale.
J’ai passé trois jours sur le divan de la véranda, me traitant