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L'ENFANCE A PARIS

VI.
LES RENDEZ-VOUS DU CRIME. — LES JEUNES ADULTES ET L’ÉDUCATION CORRECTIONNELLE.

Il y a dans la série des œuvres de Daumier un dessin qui représente une scène d’une triste réalité. Trois juges assis sur leur siège, en robe et en bonnet carré, sont en train d’interroger une petite fille en haillons. Tandis que l’un feuillette un gros code et que l’autre prend des notes, le troisième se penche pour mieux saisir les réponses de l’enfant qui, la tête baissée, le coin de son tablier ramené dans sa main, tourne vers le spectateur une physionomie sournoise et hypocrite. Celui qui entreprendrait de suivre avec quelque assiduité les audiences du tribunal correctionnel de la Seine aurait plus d’une fois l’occasion d’assister à quelque interrogatoire de ce genre, et il serait non-seulement attristé, mais effrayé parfois par la perversité précoce de ces natures à peine formées. J’ai pu jusqu’à présent, en étudiant la condition de l’enfance à Paris, m’efforcer surtout d’éveiller l’intérêt en faveur de ces victimes irresponsables de la maladie, des infirmités et de la misère ; mais le tableau ne serait pas complet si je reculais devant le devoir de montrer combien, dans cette chaude et malsaine atmosphère de Paris, la gangrène morale gagne vite et facilement ces jeunes êtres, et combien de passions coupables ou d’attentats criminels peuvent couver dans un cœur et sous un cerveau de seize ans. Je ne voudrais pas cependant déclarer à l’avance indignes de toute compassion ceux qui vont me fournir le sujet de