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c’est surtout à la surface des végétaux qu’elle est abondante. Elle a été mesurée par Hales, que nous allons laisser parler : « Le troisième de juillet 1724, pour trouver la quantité de liqueur tirée et transpirée par un soleil, je pris un pot de jardin dans lequel était un grand soleil de trois pieds et demi de hauteur que j’avais planté exprès dans ce pot pendant qu’il était jeune… Je pesai le pot avec la plante matin et soir pendant quinze différens jours que je pris entre le troisième de juillet et le huitième d’août ; après quoi je rompis la tige de la plante, je couvris la coupe du chicot avec de bon ciment, et en pesant mon pot, qui était poreux et qui n’était pas vernissé, je trouvai que la transpiration qui se faisait à travers ses pores était de 2 onces en chaque douze heures de jour, ce qui étant mis en compte avec les poids journaux de la plante et du pot, je trouvai que la plus grande transpiration de douze heures d’un jour fort sec et fort chaud était de 1 livre 14 onces. La transpiration pendant une nuit sèche, et sans aucune rosée sensible, était d’environ 3 onces ; mais aussitôt qu’il y avait tant soit peu de rosée, il ne se faisait plus de transpiration, et quand la rosée était abondante ou que pendant la nuit il tombait un peu de pluie, le pot et la plante augmentaient de 3 onces. Remarquez que les poids dont je me servais étaient de 16 onces à la livre[1]. » Ce récit complet et clair d’une des plus belles expériences qui aient jamais été faites nous inspire plusieurs réflexions. Que la plante ait augmenté de poids pendant la nuit c’est évident, c’est le poids de la rosée qu’elle a reçue ; que l’évaporation ait été très faible quand l’air est presque saturé, c’est encore conforme à toutes les expériences psychrométriques ; mais on ne peut se défendre d’un grand étonnement quand on voit un simple pied de soleil éparpiller dans l’air l’énorme poids de 1 livre 14 onces d’eau, à peu près 1 kilogramme, dans un intervalle de douze heures.

J’ai soutenu il y a quelques années, dans une lecture faite devant la Société de chimie, que l’on pouvait, par les seules lois de la capillarité, expliquer l’absorption de l’eau par les racines, son ascension dans la tige et son évaporation par les feuilles. Je n’ai pas convaincu tout le monde. Les physiologistes pensent que la fonction qui nous occupe est un acte de la vie végétale analogue à la décomposition de l’acide carbonique et qu’elle exige l’intervention de la lumière solaire. Il y a du vrai dans les deux opinions. Mais tout le monde s’accorde en ceci, que, fût-elle une fonction vitale, l’évaporation par les plantes n’est pas affranchie des conditions essentielles de la vaporisation, c’est-à-dire de la dépense de chaleur. Les végétaux sont de véritables alcarazas, ils absorbent la

  1. Statique des végétaux, p. 4.