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consumée dans les machines à feu, et, sans aller si loin, quand on observe le temps considérable qu’il faut pour vaporiser entièrement l’eau qui bout sur un foyer. La chaleur fournie par ce foyer pendant ce temps disparait tout entière dans l’eau et n’a d’autre emploi que de la gazéifier. Sans qu’il soit nécessaire de chercher l’explication du fait, on peut dire que la chaleur entre dans la constitution intime de la vapeur, qu’elle y demeure à l’état virtuel ou latent, occupée à maintenir l’écart des molécules, mais pouvant toujours se retrouver et être restituée quand l’eau redevient liquide. Elle a été mesurée avec beaucoup de soin, et l’on a trouvé que, pour volatiliser 1 gramme d’eau, il en faut autant que pour élever 600 grammes de la même matière de zéro à 1 degré ; plus simplement on dit qu’il faut 600 calories.

La vapeur ne se forme point seulement dans les chaudières et sur le feu ; elle se fait aussi à froid, sous nos yeux ; l’eau se dissout dans l’air, disait Le Roi ; elle s’y évapore, disons-nous, en quantité et avec une rapidité très grandes quand il est sec, plus lentement et en proportion moindre s’il est déjà humide ; enfin toute évaporation cesse dans l’air saturé, ce qui est de toute évidence. Mais, bien qu’ici les circonstances soient changées, la condition essentielle de toute vaporisation est encore maintenue ; il faut que l’eau reçoive sa chaleur virtuelle ou latente, il faut lui abandonner 600 calories. Or, comme il n’y a point de foyer pour la lui fournir, elle la prendra autour d’elle, aux corps voisins, à l’air, à elle-même, et la température baissera. Cette conséquence forcée, une des plus curieuses de la physique, se vérifie dans toute évaporation. J’en citerai deux exemples : on vend partout, principalement en Orient, des cruches poreuses, gargoulettes ou alcarazas, à travers lesquelles l’eau suinte assez pour mouiller l’extérieur, pas assez pour se répandre ; elle s’évapore très vite à la surface, si l’air est sec et chaud, et ce qui reste dans la cruche éprouve un refroidissement qui en Égypte est souvent de 10 degrés. Le deuxième exemple est plus scientifique et nous sera plus utile. Fixons sur une même planchette deux thermomètres identiques, mais couvrons l’un d’une gaze maintenue toujours mouillée par un réservoir, nous le verrons prendre et garder une température toujours plus basse que son voisin, qui est à l’état naturel. La différence sera très grande dans l’air sec et chaud, parce que l’évaporation formera rapidement beaucoup de vapeur ; mais le refroidissement s’apaisera dans l’air humide, et cessera dans l’air saturé. Or, puisque ce froid diminue quand l’humidité augmente, le thermomètre mouillé pourra la mesurer : c’est un hygromètre, c’est le psychromètre. Règle générale, toutes les surfaces mouillées évaporent, toutes sont plus froides que les objets secs.