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lors même que la masse atmosphérique demeure à un degré supérieur à celui de la congélation. Mais, si vous venez à couvrir une étendue quelconque de cette herbe ou de ce sol avec un carton ou une toile, c’est un vêtement que vous jetez sur la terre ; elle réchauffe bientôt l’air qui est au-dessous, comme le ferait un animal vivant, pendant que le vernis de froidure se reforme à l’extérieur au-dessus de l’abri. Cet abri peut être une toile jetée sur l’herbe ou une table soutenue par quatre pieds ; ces pieds peuvent être courts ou longs ; elle peut être soulevée autant qu’on le voudra, bu être remplacée par un toit. Si haut que soit le voile, quand même on le reculerait jusqu’aux limites de l’air, il retiendra la chaleur de la terre. Une nuit, le hasard se chargea de confirmer ces conclusions aux yeux étonnés du docteur Wells. Des nuages séparés passaient l’un après l’autre au-dessus de sa tête, cachant et découvrant alternativement le ciel étoile. Chaque fois qu’un nuage passait, la température de l’herbe montait ; elle baissait aussitôt qu’il s’éloignait. Ainsi les nuages qui couvrent le globe pendant les nuits pluvieuses sont des abris véritables ; pour être plus large, le vêtement ne cesse pas d’être chaud. On comprend aussi l’influence du vent, car, s’il est suffisamment fort, il déplace le vernis de froidure et le mêle avec les couches supérieures. On ne doit donc pas dire qu’il évapore la rosée à mesure qu’elle est déposée, mais bien qu’il l’empêche de se former parce qu’il en détruit la cause.

En considérant maintenant que ce froid et cette rosée, qui en est l’effet, se produisent dans les nuits sereines, qu’ils disparaissent lorsque le temps se couvre, et qu’ils augmentent en même temps que l’étendue du ciel visible, il faut bien conclure que la cause en est dans le ciel lui-même, c’est-à-dire dans l’espace indéfini qui s’étend au-dessus de nos têtes ; c’est là qu’en effet Wells l’a trouvée, et c’est la partie vraiment originale de son œuvre.

La terre, abandonnée en un point de l’espace indéfini, a peu de chaleur en elle-même ; elle n’a pour voisins que la lune et le soleil. Celui-ci est immense, sa température est énorme, et la chaleur qu’il nous envoie est si grande que pour l’exprimer il faut recourir à une image. Pouillet, qui l’a mesurée, a prouvé qu’elle est capable de fondre en un an une épaisseur de glace égale à 32 mètres qui couvrirait le globe entier. Mais cette chaleur ne reste point ; la terre n’en garde que la faible partie nécessaire à la vie des plantes, elle perd le reste. Tous les objets qui la couvrent, minéraux ou végétaux, terre ou eau, tout le sol enfin rayonne pendant la nuit la chaleur accumulée pendant le jour ; il la renvoie d’où elle lui était venue, vers le ciel et dans toutes les directions à la fois.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’elle traverse l’air sans qu’il empêche ou favorise sa sortie. Il y est indifférent. Elle se propage