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beaucoup à Wells, puisqu’il avait longtemps hésité sur la solution qu’il convenait d’adopter, il la résolut par l’expérience. Le soir du 13 août 1813, il se transporta dans le jardin de son ami, à Surrey ; les conditions météorologiques étaient excellentes, sauf que le ciel n’était pas tout à fait exempt de nuages. Il plaça sur une planche horizontale élevée, sorte de table soutenue par quatre pieds, un de ses flocons de laine et un petit sac de duvet de cygne, puis au milieu de chacun de ces objets il déposa un thermomètre. A six heures vingt-cinq minutes, le soleil abandonna le lieu de l’observation, tout aussitôt les thermomètres baissaient et se trouvaient après vingt minutes, l’un à 3°85, l’autre à 3°30 au-dessous de la température de l’air ; mais ni la laine, ni le duvet de cygne n’avaient augmenté de poids. L’expérience fut continuée après le coucher du soleil, et les mesures étaient reprises d’heure en heure. On vit ce refroidissement continuer et s’aggraver, mais ce ne fut que tout à la fin de la nuit que la rosée commença à se déposer. Le refroidissement l’avait précédée depuis longtemps ; il n’en était donc pas l’effet, il en était la cause. Ainsi, ajoute Wells en terminant, « mes expériences étaient finies à proprement parler ; » on pourrait même dire qu’elles étaient inutiles après celles de Le Roi.

Je voudrais insister particulièrement sur ce froid nocturne dont on n’a point assez signalé l’importance et la généralité. Ce n’est pas seulement dans l’herbe que l’air est refroidi, c’est au contact de tous les objets terrestres, c’est sur toute l’étendue du sol, qu’il soit ou ne soit pas couvert de végétation ; et ce froid, commencé aussitôt après le coucher du soleil, se continue et s’exagère jusqu’au lever suivant. À ce dernier moment, les thermomètres échelonnés au milieu de l’air marquent des degrés décroissant lentement depuis 2 mètres d’élévation jusqu’à 15 ou 20 centimètres du sol, après quoi se rencontre tout à coup une couche uniformément et considérablement froide, froide en toute saison si le ciel est clair, mais surtout en hiver, sur la terre, qu’elle glace, et principalement sur la neige, parce que celle-ci, qui ne conduit pas la chaleur, arrête le réchauffement qui vient des profondeurs, ce qui a fait supposer à tort qu’elle garde quelque chose du froid des régions élevées d’où elle vient. La surface terrestre entière est donc couverte et comme vernie de froid, comme enveloppée par un mince rideau d’air alourdi qui glisse le long des déclivités, s’étale dans les fonds, pénètre dans les interstices des herbes, couvre les feuilles et les rameaux, les toits et les hangars, mais respecte le dessous des abris et des voiles, même légers, dont on recouvre les plantes au printemps. C’est dans cette couche que la rosée se dépose et quelquefois se glace ; c’est après ce refroidissement préalable que les terrains se gèlent et se tapissent de givre,