Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Laissons de côté cette application et revenons au phénomène en lui-même. Le dépôt qui se fait sur l’hygromètre commence par un trouble léger pareil à celui que l’haleine fait naître sur un carreau, puis il se sépare en gouttelettes d’abord très petites, qu’on voit ensuite grossir et se joindre ; c’est une véritable rosée artificiellement produite. C’est d’ailleurs un fait qui se retrouve dans toutes les conditions analogues : sur les vitres quand l’extérieur est froid, sur les bouteilles qui sortent de la cave, sur les carafes glacées qu’on place sur les tables, sur toutes les substances enfin qui par une cause accidentelle ont été suffisamment refroidies ; la rosée naturelle elle-même affecte des apparences identiques, est formée de gouttes pareilles, et ne se montre que sur les objets refroidis pendant les nuits calmes de l’automne ou du printemps : elle n’est, suivant toute évidence, qu’un cas particulier de la loi générale et la conséquence nécessaire du refroidissement nocturne.

Il fallait cependant en donner une preuve directe : Le Roi n’y manqua pas. Au 27 septembre 1752, au moment du coucher du soleil, comme l’air était à 17 degrés, il mesura le point de saturation de l’air, qu’il trouva à 13° 1/2 ; cela voulait dire que la condensation sur l’hygromètre devait commencer à cette température. Alors il plaça l’un près de l’autre sur la terrasse de son observatoire un thermomètre et une bouteille de verre blanc. Ces deux objets, exposés au froid de la nuit, arrivèrent à la température de 12° 1/2, et, comme celle-ci était plus basse que le degré de saturation, la condensation devait se faire ; on vit en effet une rosée abondante couvrir le thermomètre et la bouteille. Cette épreuve fut répétée un très grand nombre de fois, toujours avec le même succès. La rosée se montrait inévitablement quand le froid dépassait le degré de saturation, elle ne se formait jamais quand il était moindre. Ainsi la rosée ne tombe pas du ciel ; elle ne monte pas non plus de la terre ; elle est virtuellement contenue dans l’air sous la forme de vapeur, et le froid la ramène à l’état liquide sur le sol, sur les herbes, sur les corps légers, plus vite dans les jours humides, plus tard par les temps et sur les pays secs, toujours par les nuits claires qui sont froides, jamais par les temps couverts qui sont chauds ; enfin, circonstance à noter, presque jamais dans les villes. Cette immunité reconnue des grandes agglomérations avait beaucoup intrigué les météorologistes ; mais elle n’embarrassa pas Le Roi. Il fit dans la nuit du 21 septembre 1752 une double expérience : il exposa dans l’air deux thermomètres, l’un au milieu de la ville de Montpellier, l’autre dans une campagne voisine, et il reconnut au matin suivant qu’il n’y avait eu dans la ville ni rosée, ni refroidissement sensible, tandis qu’au milieu de la campagne la température étant descendue bien au-dessous de la saturation, il