Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’air, et que, devenue invisible, elle demeure ensuite soutenue dans l’atmosphère. Le Roi entreprit d’expliquer cette disparition et cette suspension de l’eau en disant qu’elle se dissout dans l’air, de la même manière que le sucre se dissout dans l’eau, et il fait remarquer avec une sagacité rare les analogies qu’on trouve entre les deux phénomènes. Le sucre, dit-il, disparaît dans l’eau sans en troubler la transparence. Quoique plus lourd qu’elle, il s’y soutient et ne tombe pas. L’eau d’ailleurs ne peut recevoir qu’une proportion limitée de sucre, qu’il est impossible de dépasser et qui la sature ; mais cette proportion augmente avec la température de façon qu’on peut dissoudre plus de sucre dans l’eau chaude que dans l’eau froide. Or tous ces caractères et toutes ces conditions se retrouvent lorsque l’eau est exposée dans l’air. Elle y disparaît sans troubler la transparence ; elle y est soutenue sans tomber, bien qu’elle soit plus lourde, et surtout l’air ne prend qu’une proportion limitée d’eau. Quand il l’a reçue, il n’en peut admettre davantage ; il est saturé. Vient-on à l’échauffer, son point, de saturation s’élève, et il devient capable de dissoudre et de retenir une plus grande proportion de liquide.

Cette idée de la saturation de l’air, exprimée alors pour la première fois et déduite de l’analogie la plus évidente, proclamait une loi physique de premier ordre. Toutes les vérifications ultérieures l’ont trouvée rigoureusement vraie, l’expression seule des phénomènes a dû être modifiée. En les attribuant à une sorte de dissolution, Le Roi ne faisait que définir un fait et le représenter par une image qui en rend l’intelligence plus facile et l’expression plus simple. Dans l’état d’ignorance où l’on était alors, il n’y avait personne qui fût capable de donner l’explication vraie, ni même de la comprendre, si on avait pu la lui donner. En effet, les propriétés des vapeurs étaient absolument inconnues ; celui qui devait les découvrir, Dalton, n’était pas encore né, et je dois dire qu’après les avoir trouvées, Dalton n’eut à ajouter à la découverte de Le Roi que l’explication du mot dissolution, explication qui consistait à dire que l’eau se transforme en une vapeur qui se mêle à l’air et qui ne peut dépasser un maximum déterminé ; l’air est saturé quand ce maximum est atteint.

Quoi qu’il en soit de l’explication, Le Roi n’a point hésité sur les conséquences. Voici la première : puisque la quantité de matière qui peut être tenue en dissolution augmente quand on chauffe, elle diminue quand on refroidit, et l’eau qui contenait à chaud une forte proportion de sucre ne la peut plus retenir tout entière à froid. Il faut qu’une partie soit abandonnée et redevienne solide ; tout le monde sait que cela est vrai. L’analogie veut qu’il en soit de même avec l’air qui contient de l’eau : quand on le refroidira,