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qui l’a fait exclure du particulier du roi, c’est elle qui fait légitimer les bâtards, c’est elle qui est cause que le duc de Chartres épouse une légitimée, c’est elle enfin qui perd ce même duc de Chartres dans l’esprit de Louis XIV.

Madame est venue en France malgré elle, elle s’est sacrifiée à sa famille, au bien de sa patrie : « Je ne suis venue en France que par pure obéissance pour sa grâce mon père, mon oncle et ma tante de Hanovre. Ce n’était en rien mon inclination. » Et quand elle a connu Monsieur, cette inclination a dû être moindre encore. Cependant au début il est assez convenable avec sa femme, tant que la cabale ne le monte pas contre elle ; mais bien souvent les ennemis de la première Madame, le chevalier de Lorraine, le marquis d’Effiat, Mme de Grancey, la Gordon, causent des tourmens à la seconde. « Les chasses ne m’ont pas rendue si vieille et si laide que les cabales qui depuis sept ans m’ont fait venir tant de rides que j’en ai la figure toute pleine… La bande du chevalier n’échoue malheureusement pas dans ses méchans complots ; tout ce qu’ils ourdissent contre moi de trames diaboliques leur réussit à souhait. » Ils répandent le bruit qu’elle a une galanterie, et que Mlle de Théobon, une de ses demoiselles, porte ses lettres. Monsieur là-dessus lui enlève la maréchale de Clérambaut et chasse Mlle de Théobon. D’où vient que la cabale s’acharne ainsi après Madame ? C’est qu’elle ne leur cache pas qu’à ses yeux ils sont les assassins de la première Madame, « car je voy, dit-elle au roi, que mes ennemis n’osent me faire le mesme tour qu’à celle qui fust devant, parce que j’en ay malheureusement trop dit que j’en savais les circonstances… »

Une chose pourtant la console et lui rend la vie presque douce : c’est l’amitié que lui montre le roi. Il l’assiste dans ses couches et écoute obligeamment tout ce qu’elle lui raconte de ses affaires et de sa famille. Elle par contre est bien complaisante pour lui aussi, jusqu’à faire en sa compagnie la médianoche chez Mme de Montespan. Aussi croit-on voir percer dans les premières lettres plus que de l’affection, tout au moins une amitié bien vive, plus vive qu’elle n’est d’ordinaire entre belle-sœur et beau-frère. « J’espère la semaine prochaine suivre à cheval la chasse du roi ; il m’a fait écrire par Monsieur qu’il prétendait que j’allasse chasser avec lui deux fois par semaine. » Elle souligne ce « prétendait. » Comme elle est fière de pouvoir raconter à sa tante que lors d’une de ses fréquentes chutes de cheval à la chasse (elle en a fait vingt-six en tout), le roi s’est trouvé le premier auprès d’elle. « Vous qui admirez si fort notre roi pour m’avoir assistée lors de mes couches, vous l’aimerez encore dans cette rencontre, car c’est lui qui s’est trouvé le premier auprès de moi. Il était pâle comme la mort, et j’eus beau lui assurer que je ne m’étais fait aucun mal et que je n’étais pas tombée sur