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d’une bouteille, mais ne dittes jamais ces choses-là aux gens de la cour ; nous savons trop que, quand un jeune prince, très amoureux, est dans une cour où il est le maistre, quand il est avec une fame jeune et belle vingt-quatre heure, qu’il n’y est pas pour enfiler des perles, sur tout quand le mary ce lève et s’en va si tost que le prince arive, et pour les tesmoin qui sont dans la chambre, cela n’est pas vray, mais quand cela seroit, ce sont tous domestique à qui le maistre n’a qu’à faire un clin d’œil pour le faire partir. Ainsi si vous croyez sauver vos père jessuitte qui sont les confesseurs, vous vous trompez beaucoup, car tout le monde voit qu’ils tollerent un double adultère. » Et le 26 mars elle ajoute : « Tous les jésuites veulent que l’on tienne leur ordre pour parfait et sans tache ; voilà pourquoi ils cherchent à excuser tout ce qui se passe aux cours où un des leurs est confesseur. Aussi j’ai dit au mien, sans ménagement, que ce qui se passe à Lunéville est inexcusable, qu’il est aisé de voir que le confesseur du duc use d’une extrême indulgence à son égard. Ni lui, ni aucun des jésuites lorrains ne pourront faire accroire quoi que ce soit à n’importe qui ; c’est là un adultère public, et plus souvent ils feront approcher de la sainte table le duc et sa maîtresse, plus grand sera le scandale. »

Bien souvent elle revient à la société de Jésus, et toujours pour dire combien, à ses yeux, est pernicieuse l’influence qu’elle exerce. Les jésuites, dit-elle, sont impitoyables vis-à-vis des autres religions ; en particulier, on trouve parmi eux de braves et honnêtes gens, mais pris en masse ils sont dangereux. — Ce qui la met hors d’elle, c’est qu’ils permettent en France ce qu’ils interdisent ailleurs, les bals masqués par exemple. Lorsqu’on découvre la conspiration de Cellamare, c’est à eux qu’elle songe tout d’abord, et elle regrette bien amèrement qu’on ne puisse pas les impliquer dans cette affaire, faute de preuves.

Évidemment ses préventions l’aveuglent et elles l’aveugleront bien davantage encore lorsqu’il s’agira de Mme de Maintenon. C’est ainsi qu’en apprenant l’incendie du château de Lunéville, elle ne peut s’empêcher de l’attribuer à son ennemie, et la preuve qu’elle en donne c’est que l’homme qu’on accuse d’avoir mis le feu au château était autrefois au service du duc du Maine. Quand elle apprend sa mort, elle l’annonce à sa demi-sœur en se servant d’une expression dont se serviraient à peine des employés de la voirie parlant entre eux du trépas d’une haridelle. Et quelques semaines après elle ajoute : « Elle aurait dû mourir il y a trente et un ans de cela. Tous les pauvres réformés seraient encore en France, et leur temple de Charenton ne serait pas rasé. La vieille sorcière a combiné tout cela avec le jésuite, le père La Chaise. A eux deux, ils sont cause de tout ! » Mais elle a d’autres raisons encore de la haïr. C’est elle