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de ses productions récentes : les Scènes de l’Odyssée. L’idée fut accueillie ; on se mit aussitôt à l’œuvre. Les parties de l’orchestre, des chœurs et des solistes étant distribuées, furent apprises sur-le-champ, et on pressa les répétitions. Huit jours après, l’œuvre, admirablement interprétée par cinq cents exécutans qui avaient gratuitement offert leur concours, recevait un accueil enthousiaste du public et rapportait à la fois honneur et profit à son auteur. Cette rapidité d’action, les ressources, le désintéressement et l’éducation musicale qu’elle suppose, tout cela est bien loin de nous et nous paraît à peine croyable.

Sans prétendre atteindre d’emblée pareils résultats, il semble que du moins il y ait lieu de réagir contre notre infériorité, puisqu’elle nous condamne à ignorer bien des œuvres importantes et qui comptent parmi les plus grandioses que l’art musical ait produites. Les grandes compositions d’orchestre peuvent désormais être connues du public, grâce aux occasions suffisamment nombreuses qu’il a de les entendre. Pourquoi n’irait-on pas demander à la musique chorale des jouissances nouvelles et d’un ordre tout aussi élevé ? avec les Saisons et la Création de Haydn, avec les Messes et le Requiem de Mozart, la symphonie avec chœurs de Beethoven, les nombreux oratorios et les cantates de Bach, de Händel et de Mendelssohn, avec beaucoup d’autres œuvres encore, son répertoire est assez riche pour que de longtemps il n’y ait pas à craindre de l’épuiser. Si l’on est en peine des ressources nécessaires pour essayer une semblable épreuve, pourquoi le directeur de l’Opéra, par exemple, ne profiterait-il pas des élémens qui sont à sa disposition, local, orchestre et chœurs renforcés pour la circonstance, afin de donner chaque hiver quelques séances consacrées à de pareilles auditions ? Nous pouvons juger de l’accueil qui leur serait fait d’après le succès qu’ont obtenu à diverses reprises non-seulement des fragmens des maîtres que nous venons de citer, mais récemment encore le Requiem de Verdi et plusieurs compositions de Berlioz. Sans parler de l’intérêt même de l’art, il y a là, à notre avis, une exploitation facile à tenter et dont le profit nous paraît certain.

Mais ce ne sont pas seulement les jouissances du public parisien que nous aurions en vue, c’est la culture de la musique chorale elle-même dans les masses et par toute la France que nous voudrions voir propagée chez nous. Il faut l’avouer cependant, presque tout reste à faire dans ce sens, et nous comprenons que, plus d’une fois déjà, des hommes résolus et dévoués à cette tâche s’y soient épuisés, à voir l’insuccès de leurs efforts, à entendre les cris qui sortent de nos cabarets et les vociférations discordantes qui, sous prétexte de louer le Seigneur, retentissent dans les églises de nos