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sont pas pour cela ceux qui consument leur vie dans la préparation solitaire de leur propre salut. La vraie vertu chrétienne est active : elle ne consiste pas uniquement à mortifier son corps comme faisait la chère sainte Elisabeth. Je ne sais trop si l’on ne pourrait reprochera M. Wallon de l’avoir parfois oublié, comme dans tel chapitre sur « les vertus chrétiennes de saint Louis. »

À ce point de vue, l’éditeur des Enseignemens d’Anne de France à sa fille Suzanne de Bourbon a tout à fait raison de relever dans son introduction le caractère pratique de ces leçons royales qu’il a remises au jour. Anne de France, fille de Louis XI, composa ce petit livre pour sa fille Suzanne, vers l’an 1504 ou 1505. Ainsi, saint Louis jadis avait écrit ses Enseignemens pour sa fille Isabelle. Les conseils d’Anne de France ne sont pas d’une piété moins sévère que les conseils eux-mêmes de saint Louis, puisqu’en tout ce qui regarde la pratique des vertus chrétiennes elle ne fait guère que reprendre les propres paroles de saint Louis, mais ils sont d’une piété moins étroite par cela seul qu’ils se mêlent ou qu’ils se joignent aux conseils de l’expérience du monde. « Chère fille, lui disait-elle, aimez et secourez les pauvres, et surtout ceux qui pour l’amour de Notre Seigneur se sont mis à pauvreté. » Mais elle ne craignait pas aussi d’ajouter : « Croyez pour vrai qu’il est malséant et fort déshonnête de voir une fille ou femme noble nicement habillée et mal en point. Et ne peut homme ou femme de façon être trop gent ou trop net à mon gré. » Voilà certes d’excellentes leçons l’une et l’autre. On en trouvera beaucoup de semblables dans ces Enseignemens édités avec soin, et même avec luxe.

Je m’aperçois sur ce dernier mot qu’en dépit de quelques réserves toutes ces publications font en somme honneur à quelqu’un. C’est bien en effet la conclusion et c’est bien ce que nous voulions dire.


La Suisse, par M. Jules Gourdault, 1 vol. in-folio orné de gravures, Hachette.


Chaque année on voit paraître, illustrés de fort belles gravures, un grand nombre de livres de voyage sur les pays étrangers, et jusqu’ici on n’a pas encore songé à en éditer un sur notre pays, qui cependant renferme des beautés de toute sorte. Nous avons publié ici même les études de M. É. Montégut sur la France ; mais ces études ne forment pas encore un ensemble, et elles ne s’occupent que d’une certaine partie de nos provinces. Pourquoi donc une telle entreprise ne tente-t-elle personne ? Il nous semble qu’elle ne rencontrerait pas de grandes difficultés d’exécution et serait certaine d’un vif succès. Nous connaissons peu les pays étrangers et nous connaissons fort peu le nôtre. Ce regret