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fameuses tables Eugubines dont nous devons à M. Bréal une si savante interprétation. Les Étrusques tiennent, on le comprend, une grande place dans cette revue des peuples italiques ; on nous montre leurs bijoux d’or, leurs armes de bronze, leurs vases et leurs statues en terre cuite, les peintures curieuses dont ils ornaient leurs tombeaux, et tout ce qui peut nous donner quelque idée de ce peuple énigmatique, dont on ignore l’origine, dont on ne sait pas l’histoire et dont personne n’a pu encore déchiffrer la langue.

Nous arrivons enfin à Rome, et la gravure va nous rendre ici de bien plus importans services. Les premiers siècles de l’histoire romaine sont à peu près inconnus ; tandis que dans son texte, M. Duruy reproduit, sans y croire, les récits de Tite-live, auxquels il faut bien revenir, puisqu’il est impossible de les remplacer, il nous donne, dans ses planches, les deux seuls souvenirs authentiques qui nous restent de cet obscur passé, les murailles de Servius et le grand égout de Tarquin. Ces merveilleux débris font rentrer dans la réalité tous ces héros de la fable ; grâce à eux, nous voyons et nous touchons ces personnages légendaires « qui commençaient à bâtir la ville éternelle. » A côté de ces restes vénérables, M. Duruy place d’anciens monumens, religieux ou civils, que la tradition rapportait à ces époques reculées. Il les représente tantôt comme ils sont aujourd’hui, c’est-à-dire en ruines, tantôt d’après les restaurations qu’en ont faites des architectes intelligens. À ce propos, je recommande aux connaisseurs une charmante vue polychrome de temple de Cora, par Labrouste. C’est surtout quand il s’agit des mœurs, des lois, des usages, de la façon de vivre des Romains que la gravure peut devenir une sorte de commentaire perpétuel de l’histoire. Quand l’histoire énumère les magistratures et leurs attributions, la gravure nous fait voir la toge des citoyens, la stola des matrones, les haches, les faisceaux, la prétexte, la chaise curule des magistrats. S’il est question de culte, nous avons les statues des dieux, les vêtemens des prêtres, les bœufs conduits au sacrifice, les poulets sacrés dans leurs cages, ainsi que tous les détails de cette religion de la mort si importante à Rome. La vie privée, celle qui à distance nous est si peu connue, est mise sous nos yeux par une foule de dessins, tous empruntés à des monumens authentiques, et qui nous font mieux comprendre les mœurs anciennes que les descriptions les plus minutieuses. — Je ne pouvais m’empêcher de penser, en les parcourant, qu’en vérité nos enfans sont bien plus heureux que nous. Pour apprendre l’histoire, nous n’avions guère que de méchans petits livres mal imprimés, où la forme était aussi peu attrayante que le fond. Aujourd’hui on leur rend tout facile, tout agréable ; et il faut avouer que si, après avoir lu l’ouvrage de M. Duruy, où les événemens sont présentés avec tant d’intérêt et animés par la reproduction des plus beaux monumens antiques, ils ne prennent pas goût à l’histoire romaine, ils seront tout à fait sans excuse.