Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/956

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réclamer tout son temps ; mais aussitôt qu’il eut quitté le pouvoir, où son passage avait été si profitable à l’instruction publique, il s’empressa de revenir à ses anciens travaux. Il a publié depuis cette époque trois volumes sur les empereurs, où l’on retrouve cette vie et cette jeunesse qui avaient frappé dans ses premiers écrits avec la maturité et l’élévation que donnent l’âge et la pratique des affaires. Il lui restait à fondre ensemble les deux parties de ce vaste travail interrompu pendant tant d’années et à en composer une grande histoire romaine qui pût contenter les savans sans rebuter les gens du monde. C’est ce qu’il entreprend de faire aujourd’hui, et en même temps qu’il refond courageusement ses anciens livres et les fait profiter des découvertes récentes de la science, il a eu l’idée heureuse d’enrichir son livre nouveau de plus de 2,000 gravures et de 100 cartes ou plans.

C’est, je crois, le président de Brosses qui a imaginé le premier de publier de cette façon (avec ces embellissemens et ces secours), une œuvre historique. On sait qu’il s’était épris de Salluste. Il ne se contenta pas de donner au public une meilleure édition et une traduction plus exacte des ouvrages que nous avons de lui ; il voulut restituer cette grande histoire romaine qu’il avait composée et qui s’est perdue, avec les quelques fragmens qui en restent. Pour réussir dans cette œuvre hardie, après avoir beaucoup voyagé dans les livres, il s’en alla visiter Rome et l’Italie, d’où il écrivit les charmantes lettres que tout le monde a lues. Il n’eut pas de peine à voir que ce visage lui avait fait mieux comprendre les événemens du passé que la lecture de beaucoup d’in-folio, et il résolut d’en faire profiter le public comme il en avait profité lui-même. Il rapportait d’Italie des vues de paysages, des reproductions de monumens, d’inscriptions, de médailles ; il en fit graver quelques-unes et les plaça dans son ouvrage. Malheureusement les graveurs de De Brosses n’étaient pas toujours fort habiles ; ses inscriptions sont quelquefois fausses et ses médailles suspectes. Mais l’idée était bonne, et M. Duruy a bien fait de la reprendre et de s’en servir.

Personne d’abord ne s’avisera de contester l’utilité des plans et des cartes. Aussi M. Duruy les a-t-il prodigués. Il ne néglige pas non plus de nous donner des vues exactes et pittoresques des lieux dont il nous entretient. Toutes ces planches, dessinées et gravées par d’habiles artistes, sont fort agréables ; c’est un voyage dans l’Italie que nous accomplissons à la suite de l’historien ; les cartes et les vues qu’il reproduit nous rendent toutes ses observations plus sensibles et plus vivantes. Quand il nous entretient des peuples qui ont précédé les Romains, il recueille tous les souvenirs qui restent d’eux. Pour nous faire connaître les Sabins, les Osques, les Samnites, il met sous nos yeux leurs monnaies grossières, leurs ustensiles de ménage, les statues informes de leurs dieux, les murailles de leurs châteaux et de leurs villes qui ont bravé les siècles. Les Ombriens sont représentés par un fac-simile de ces