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le moment. Je déclare à ces messieurs que je compte rester au Louvre en permanence ; ma réponse est immédiatement consignée dans un procès-verbal. » C’est le soir même du 22 que quarante-sept gardiens et gagistes sont emmenés à la mairie du Ier arrondissement dans les conditions que j’ai racontées. M. Héreau dit : « Sur une réclamation écrite par moi ces hommes nous furent rendus sains et saufs le lendemain. » M. Héreau affirme que son intervention a été toute puissante en cette circonstance, je n’en doute pas et je l’en félicite. Mais le 3e conseil de guerre a jugé un commissaire de police pendant la commune nommé Henry qui prétend avoir sauvé les surveillans des musées. J’avoue n’avoir aucune opinion à cet égard et ignorer la valeur que l’on peut attacher à la déclaration d’Henry, qui fut condamné à cinq ans de prison.

Il restait, le mardi 23 mai, au Louvre vingt-trois gardiens qui, par leur absence justifiée ou en se cachant, avaient évité l’arrestation dont leur camarades avaient été victimes la veille. Le docteur Pillot, — doctor in partibus insanabilium, — exigea une liste de leurs noms qui lui fut livrée ; le soir du même jour des ordres furent donnés à l’agent comptable des musées pour qu’il eût à préparer les logemens destinés aux officiers du 112e bataillon de fédérés, qui devait venir occuper le Louvre. Je pourrais dire le nom de celui qui avait donné ces ordres, qui avait livré au délégué Pillot la liste des surveillans, mais je préfère le passer sous silence.

Comment les délégués, dans la nuit du 23 au 24 mai, se remirent à la discrétion de M. Barbet de Jouy, comment ils furent enfermés et gardés à vue dans les appartemens de la direction, je l’ai raconté. Mais voilà que, bien à mon insu, j’ai encore commis quelques insinuations et que j’ai fait comprendre que je croyais « ces délégués capables de jouer un double jeu et de faire appel aux incendiaires et aux pillards. » Incendiaires et pillards n’est pas de moi ; ces deux qualificatifs appartiennent à M. Héreau qui, en cette circonstance, n’est pas tendre pour la commune, à laquelle, trente-six heures auparavant, il voulait faire faire acte d’adhésion par un fonctionnaire non révoqué. M. Héreau était distrait sans doute par ses propres souvenirs, lorsqu’il a lu le passage qu’il réfute, car j’ai dit précisément le contraire de ce qu’il me fait dire. Voici le fait, tel qu’il se trouve relaté dans un journal dont M. Héreau reconnaîtra facilement l’auteur : « Les deux délégués remontent alors dans le bureau du directeur. A peine sont-ils partis que les gardiens font observer qu’il serait bon de les gardera vue afin de les empêcher de communiquer avec le dehors. En conséquence un poste de six hommes, commandé par le chef L., est établi dans l’antichambre du directeur ; un autre poste est placé au bas de la grille ; un troisième à l’escalier assyrien, un quatrième devant la salle des bronzes, et moi je m’enferme