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Pendant ce temps, en Italie même, le dernier attentat commis à Naples contre le roi Humbert a laissé une impression qui n’est pas moins vive et a créé une situation qui ne fait que commencer. L’idée seule que la main d’un assassin pouvait faire disparaître le roi Humbert et la prévision des conséquences possibles d’un tel événement ont excité une émotion profonde et ont attiré l’attention de tous les esprits réfléchis sur l’état moral de l’Italie, sur l’activité des sectes révolutionnaires, sur la politique du ministère en présence de cette situation difficile. De là les discussions prolongées, animées, qui viennent de se dérouler dans le parlement de Rome sous l’impression du dernier attentat et qui ont abouti presque aussitôt à un commencement de crise.

Orateurs de toutes les opinions, M. Minghetti, M. Bonghi, M. Mari, M. Sella au nom de la droite, M. Crispi pour son propre compte ou pour une fraction de la gauche, le ministre de l’intérieur, M. Zanardelli, et le président du conseil lui-même qui représente aussi la gauche au pouvoir, ils se sont tous succédé dans ces longs débats. Ils y ont tous parlé avec gravité, quelques-uns avec inquiétude, de l’état de leur pays. Le président du conseil, M. Cairoli, qui n’inspire par lui-même que des sympathies, qui est couvert du prestige de sa récente blessure et de son dévoûment au roi, M. Cairoli n’était pas précisément en cause. Quand il a paru encore souffrant dans la chambre, il a été accueilli par une ovation unanime qui s’adressait surtout à l’homme, et s’il eût été seul, il eût sans doute désarmé les hostilités ; mais il n’a pu sauver par son intervention le cabinet dont il est le chef, qui a été en définitive vaincu au scrutin par une coalition accidentelle de la droite, des amis de M. Crispi et des amis de M. Nicotera. Que les considérations personnelles, que les antipathies contre le ministre de l’intérieur, M. Zanardelli, ou contre tel autre ministre, aient aidé à ce résultat, c’est bien clair. Ce n’est là cependant que le plus petit côté, et ce qui fait le caractère sérieux de ces récentes discussions comme du dernier scrutin, c’est qu’il y avait réellement en cause toute une politique accusée d’être insuffisante ou trop faible à l’égard des propagandes révolutionnaires. Que va faire maintenant le roi ? Écoutera-t-il ceux qui lui conseillent une dissolution ? cherchera-t-il à dégager du chaos de la chambre actuelle un nouveau ministère ? Le moment est grave. Il ne s’agit pas d’inaugurer une politique de réaction ; une politique sérieuse n’a pas besoin d’arborer un drapeau de réaction pour couvrir la monarchie, et c’est la monarchie qui a fait l’Italie, qui seule peut la faire vivre.


CH. DE MAZADE.