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n’est plus de circonstance. Ils ont sans doute beaucoup appris depuis quelques années, ils n’ont pas pu tout oublier. Ils ont de la peine à entrer dans un parti de gouvernement, ils échappent à la direction de ceux qui se croient assez habiles pour les modérer, pour les conduire. Ils ont un vieux fonds d’idées, de préjugés, de projets ou de procédés révolutionnaires qu’ils feraient volontiers passer sous le nom d’une prétendue politique républicaine. Ils rongent leur frein, si l’on nous passe le mot, et même quand ils semblent se soumettre à la nécessité des choses, ils laissent bientôt éclater le goût inné de l’agitation et des chimères, au risque de dévoiler l’incohérence de ce qui est censé être la majorité républicaine, et de perdre par des excentricités le fruit de la sagesse qu’ils se sont temporairement imposée.

Assurément, c’est un fait à constater, les républicains en immense majorité ont montré depuis huit ans le plus honorable esprit, le zèle le plus actif en tout ce qui touche l’armée et la réorganisation militaire de la France. Ils n’ont rien refusé, il se sont prêtés à tout. Ils ont voté les lois qui ont été présentées. L’an dernier encore ils ont pris l’initiative de mesures nouvelles sur les pensions des officiers, sur l’état des sous-officiers. Ils n’ont marchandé ni les ressources ni la confiance, et ils ont même mesuré prudemment la critique là où la critique après tout aurait pu être utile. En un mot, s’ils n’ont pas été les seuls à l’œuvre, ils ont voulu, avec tout le monde, rendre à la France une armée nombreuse, dévouée, patriotique, digne du pays. Rien de mieux. Pourquoi donc maintenant aller exhumer cet incident qui se serait passé à Limoges au mois de décembre 1877 et qui n’est bon qu’à jeter le trouble dans l’armée ? A quel propos remettre au jour et publier officiellement un rapport sur la pétition d’un officier qui a été frappé disciplinairement, et qui croit devoir s’adresser à la chambre pour obtenir la réforme ou une interprétation nouvelle des règles de la discipline ? Il y a dans cette triste affaire, qu’on va réveiller avec si peu d’opportunité, deux questions parfaitement distinctes. Il y a une question toute personnelle intéressant simplement l’officier qui a eu le malheur d’attirer l’attention sur lui. Il y a aussi une question plus générale, la seule dont on ait à s’occuper : il y a l’importance qu’on veut donner à un incident, les conséquences qu’on prétend tirer d’une circonstance obscure, l’espèce de devoir qu’on voudrait faire à M. le ministre de la guerre d’éclairer l’armée par des circulaires, par une interprétation nouvelle des règles de la discipline et de l’obéissance militaire, — comme si l’armée avait besoin d’être éclairée sur la manière d’obéir à un ordre.

Franchement où veut-on en venir ? Est-ce là encore de la politique républicaine ? Que veut-on que fasse M. le ministre de la guerre de cette invitation ? La discipline est une de ces conditions de la vie mili-