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limite de son rôle constitutionnel, et les quelques innovations qu’elle a fait passer dans ce gros budget qu’elle vient de voter récemment sans difficulté, que le sénat discute maintenant à son tour, ces innovations peuvent être bien ou mal conçues, elles ne sont pas dans tous les cas, d’une nature bien grave. Ce n’est donc pas ce qu’on peut reprocher à la majorité de la chambre des députés. Malheureusement il y a des républicains, — et ceux qui sont censés être leurs chefs sont quelquefois obligés de les suivre, — il y a des républicains qui ne peuvent se défendre de toute sorte de velléités agressives et turbulentes. Ils semblent toujours prêts à bouleverser et à surexciter quelque chose. Ils ont l’art de se jeter dans des campagnes inutilement violentes, forcément arbitraires, ou de soulever les questions les plus délicates, les plus dangereuses sans résultat possible, et c’est, là justement multipliée ces mauvaises apparences dont nous parlions, offrir des prétextes qui ne peuvent manquer d’être exploités au détriment de la république elle-même.

Cette campagne d’invalidation n’est-elle pas une de ces erreurs que la majorité a commises par un premier mouvement d’irritation qui s’expliquait au lendemain des élections, et où elle s’est obstinée par un faux point d’honneur ou par un calcul qui en est encore à se dévoiler ? Elle dure depuis près de quinze mois, cette campagne singulière ; elle finit à peine, elle n’est même pas entièrement terminée, il en restera un bout pour la session prochaine. Les républicains de la chambre avec leur commission d’enquête, leurs représentations en province, leurs projets, leurs rapports et leurs arrêts toujours suspendus, sont certainement persuadés qu’ils accomplissent une œuvre de justice. Ils jouent leur rôle de grands juges du scrutin et de sauveurs de la pureté du suffrage universel avec une imperturbable présomption. Et cependant rien n’est plus étrange ! c’est à coup sûr la première fois qu’un parlement offre ce spectacle d’une majorité procédant avec cette naïveté d’omnipotence et d’arbitraire, invalidant jusqu’à quatre-vingts élections et faisant encore ses réserves pour une mise en accusation qui provoquerait une crise de contestation juridique en même temps qu’une crise politique dont nul ne peut calculer les conséquences. Ces réserves, on les faisait encore très gravement il y a peu de jours. — Si l’on voulait mettre le ministère du 16 mai eu accusation, il fallait ! le faire sous le coup des événemens, après quelques semaines, au risque de tout ce qui pouvait arriver. Maintenant tout cela est fini, une menace n’est plus qu’une vaine jactance. Si l’on voulait attaquer de front la candidature officielle, il fallait invalider tous les députés qui ont été élus avec l’affiche blanche. C’eût été violent, mais logique. Ce qu’on fait aujourd’hui n’est qu’un choix absolument arbitraire à la merci d’un coup de scrutin. Une commission propose timidement une validation, un député se lève pour protester contre cette coupable complaisance, — et malgré l’intervention de M. Gambetta lui-même, M. le baron Reille,