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rancune de leur déchéance trop méritée ou de leurs espérances trompées ; mais il faut voir les choses comme elles sont au moment présent. La république n’a pas beaucoup à craindre d’adversaires plus bruyans que menaçans, dont les divisions et l’impuissance sont au contraire sa force, presque sa raison d’être. Elle n’aurait à craindre que si, en changeant de caractère, en se laissant dénaturer ou emporter des passions de partis, elle cessait d’être une garantie pour cette masse d’intérêts et d’instincts modérés qu’elle a conquis en les rassurant et dont elle perdrait bientôt l’appui en les inquiétant ; elle ne serait exposée à des épreuves nouvelles que si les républicains, fatigués d’être sages, impatiens de profiter de la victoire, croyaient pouvoir renouer leurs traditions agitatrices ou même, sans aller jusqu’à des excès au radicalisme, se laissaient entraîner à perpétuer par leurs procédés, par leurs démonstrations, ces mauvaises apparences, qui sont une faiblesse pour la république encore plus que pour tout autre régime. C’est là précisément ce qui fait l’importance de ces élections prochaines du 5 janvier sur lesquelles tous les regards se fixent et vont se fixer de plus en plus pendant quelques jours encore ; c’est ce qui fait l’intérêt de ce scrutin sénatorial dont le résultat, pour le dire tout de suite, ne sera entièrement favorable que s’il décourage les agitateurs de tous les camps, en donnant à la politique représentée au pouvoir par M. Dufaure l’appui d’une majorité éclairée, simplement dévouée à la constitution du pays.

Tout est là maintenant jusqu’au 5 janvier ; tout dépend de ce vote qui, sans ouvrir une ère nouvelle comme on le dit, peut décider de la direction de nos affaires en faisant du sénat, non plus tira instrument de conflit, mais une assemblée réellement modératrice, disposée à soutenir une politique de libérale et ferme conciliation. Ce vote du 5 janvier prochain, si les électeurs sont bien inspirés, peut fixer l’équilibre des institutions, et la république serait la première à profiter d’un tel résultat ; elle ne pourrait que trouver une garantie de plus dans un sénat qui, en cessant d’être comme un camp de réserve de toutes les hostilités réactionnaires, resterait un pouvoir de préservation contre les fantaisies, les tentatives aventureuses et les mobilités agitatrices de la majorité-de l’autre chambre. Ce n’est point sans doute que cette majorité ait justifié jusqu’ici toutes les accusations dont elle est souvent l’objet ; ce n’est pas qu’elle se soit signalée par des propositions de réformes bien extraordinaires, par des entreprises sérieusement redoutables. En réalité, il faut en convenir, cette majorité républicaine, dans la chambre d’aujourd’hui comme dans la chambre précédente frappée par le 16 mai, n’a rien fait qui ressemble à du radicalisme législatif. Elle m’a pas même cédé à la tentation d’ouvrir quelque débat sur l’amnistie. Elle n’a touché ni aux conditions organiques du pays, ni aux institutions sociales, administratives ou financières. Elle n’a pas dépassé la