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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1878.

Le danger en politique est souvent dans les mauvaises apparences presque autant que dans les mauvaises conduites. Les mauvaises apparences, ce sont les questions imprudemment soulevées, les incidens grossis moitié par la curiosité oisive, moitié par la passion de parti, les appels impatiens et capricieux à des crises nouvelles ; ce sont les déclamations inutiles, les représailles obstinées, les incohérences mal réprimées, toutes ces choses qui n’ont rien de profond sans doute, qui ne sont qu’un désordre factice et partiel, et qui ne finissent pas moins quelquefois par fatiguer l’opinion, par affaiblir une situation.

Pour un régime qui se fonde, qui a nécessairement encore à vaincre bien des défiances ou des préjugés, pour un parti qui aspire à être la force dirigeante et régulatrice de ce régime, la première condition est justement d’éviter ces mauvaises apparences, de ne laisser ni occasion ni prétexte aux incertitudes de l’opinion. C’est le premier et le dernier mot d’une politique prévoyante et sensée. Si la république a pris en France le caractère sérieux d’un gouvernement établi, si elle a même déjà duré assez pour ne plus ressembler à un de ces régimes du hasard qui sont comme une tente dressée entre deux combats, c’est évidemment parce qu’elle a suivi cette politique. Elle s’est fondée et elle a vécu par le soin qu’elle a mis à se dégager de ce qu’elle a eu autrefois de révolutionnaire et d’exclusif, à s’inspirer de l’expérience, à offrir la garantie d’institutions conservatrices et libérales aux intérêts, aux traditions, aux instincts du pays. Elle ne s’est point imposée par une surprise de sédition, par une tyrannie de parti, elle s’est lentement naturalisée pour ainsi dire dans la société française et elle s’est accréditée par sa modération, en s’étendant de proche en proche dans toutes les sphères de la vie nationale. Elle a certainement encore des ennemis, même des ennemis passionnés et irréconciliables, qui lui gardent la