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UN
VOYAGEUR FRANCAIS
DANS L'ETHIOPIE MERIDIONALE


I

Deux ans à peine s’étaient écoulés depuis l’expédition des Anglais en Ethiopie et la fin tragique du négus Théodoros ; le percement de l’isthme de Suez était un fait accompli, et les grandes conséquences de cet acte n’échappaient plus à personne. Parmi la foule des étrangers que l’ambition, le goût des aventures ou la soif des richesses avaient attirés à Alexandrie se trouvait M. Pierre Arnoux, négociant français, instruit par un long séjour en Kabylie des mœurs des pays musulmans : homme robuste avec cela, d’une probité et d’une énergie peu communes, plein d’un bon sens pratique qui n’exclut pas la finesse d’esprit. L’idée lui vint de renouer les relations commencées jadis par M. Rochet d’Héricourt entre la France et Sahlé Sallassi, roi de Choa, dans l’Ethiopie méridionale. Les circonstances semblaient favorables : Minylik, petit-fils de Sahlé Sallassi, après dix ans d’absence, venait de rentrer dans son royaume, où son pouvoir était plus fort et plus respecté que jamais ; on le disait bon, généreux, intelligent, accessible à toutes les idées de progrès. D’autre part la France possédait depuis quelques années sur la côte orientale d’Afrique le port, de débarquement qui lui avait toujours manqué. Ce port, c’est la rade d’Obock, située à proximité du détroit de Bab-el-Mandeb, à 29 milles N.-E. de Tedjourrah, et achetée en 1862 pour quelques milliers de francs à un chef indigène des Somalis, au compte du gouvernement français. D’après les données recueillies deux ans plus tard par M. le lieutenant de vaisseau Salmon sur l’aviso le Surcouf cette rade offre deux mouillages distincts, très profonds et convenablement abrités ; il suffirait de quelques travaux peu