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spontanéité vitale, et ce double rôle montre combien elle répugne à toute explication mécanique. Elle diminue la fatigue résultant des mouvemens trop répétés ou trop prolongés de l’activité volontaire, instinctive, ou purement nerveuse et réflexe, par cela même qu’elle rend plus facile et plus prompte l’exécution de ces mouvemens ; elle atteint et façonne toutes les actions de l’être vivant ; elle plie et assouplit sa spontanéité. Tout cela n’a rien de commun avec l’inflexible et invariable direction des mouvemens des êtres inorganiques.

Ce résumé d’un chapitre riche en explications et en analyses démonstratives suffira, nous l’espérons, à faire sentir au lecteur l’importance du problème si bien discuté. C’était une tâche, sinon absolument neuve, du moins peu essayée par les philosophes et les physiologistes de l’école spiritualiste, que de rechercher et de poursuivre ce phénomène de l’activité spontanée jusque dans les actes les plus involontaires et les plus inconsciens de la vie humaine. C’était aussi la plus difficile, puisque l’auteur ne pouvait s’y aider des enseignemens de la psychologie. Quand il ne s’agit que de la spontanéité des actes consciens et volontaires, toute explication mécanique prend une telle couleur de paradoxe que le sens commun s’en éloigne aussitôt. L’exemple d’un homme qui rend le coup porté est vraiment trop facile à réfuter. Un tel enchaînement d’actes successifs n’est pas du tout conforme à l’observation vulgaire. On peut recevoir un coup, ressentir une douleur vive et ne pas vouloir le rendre, ne pas chercher une vengeance immédiate ou lointaine. Pourquoi la même cause produit-elle des effets si divers ? Pourquoi le même coup frappé provoque-t-il des résolutions et des mouvemens si contraires ? Si l’on nous répond que cela tient à la diversité des tempéramens et des caractères, nous ferons observer que, dans le monde de la mécanique, les choses se passent d’une manière uniforme, et que les mêmes causes y produisent invariablement les mêmes effets, dans la même mesure et sous la même forme. Mais entrer plus avant dans l’analyse des mouvemens spontanés accomplis avec conscience et volonté serait sortir du cadre de ce livre et de cette étude. Nous n’avons qu’à remercier M. Chauffard du secours qu’il prête à la psychologie spiritualiste, en démontrant que cette spontanéité, contestée par les physiologistes et les psychologues de l’école mécaniste jusque dans les actes volontaires, est un caractère inhérent à la vie elle-même, dans toutes les manifestations de son activité. Quand cette vérité aura été acceptée dans le monde savant, les révélations de la conscience perdront le caractère mystérieux qui les rend suspectes aux observateurs de la nature physique.