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d’ordre nouveau qui s’appelle la vie. C’est donc le vivant qui crée la vie comme c’est le vivant qui la transmet. Il ne faut en chercher la source ni dans le monde extérieur, où brille ce soleil qui éclaire et échauffe toute création et toute créature, ni dans ce monde intérieur de la matière chimique, qui ne peut que fournir des élémens à la vie. C’est dans l’être vivant, germe microscopique d’abord, puis œuf, puis embryon, puis animal, qu’en réside le principe. Claude Bernard, dont la théorie déterministe est interprétée à faux par l’école mécaniste, ne laisse pourtant aucun nuage sur le sens et la portée de sa doctrine. « La matière n’engendre pas les phénomènes qu’elle manifeste. Elle n’est que le substratum et ne fait absolument que donner aux phénomènes leurs conditions de manifestation, seul intermédiaire par lequel le physiologiste peut agir sur les phénomènes de la vie[1]. »

On a vu plus haut que la cellule engendrée, non plus que la cellule primitive, ne peut s’expliquer par la génération spontanée. D’où peut venir ce développement de la cellule génératrice ? C’est M. Virchow qui nous le montrera. L’ancienne physiologie avait posé l’aphorisme qui est la loi de la création vitale : omne vivum ex ovo, c’est-à-dire toute vie procède de la vie elle-même. M. Virchow y ajoute cet autre axiome qui ne fait que le confirmer : toute cellule provient d’une cellule. L’individu vivant, cellule à peine visible à sa première apparition, ne se développe que par une évolution qui fait sortir successivement de son sein toutes les cellules dont se composent les tissus de l’être formé. A l’origine de l’être, il n’y a qu’une cellule, l’ovule, laquelle, en se divisant et en se multipliant sans fin, ne perd pas ses caractères propres ; elle garde son type primitif et le communique à tous les élémens du tissu que l’on rencontre dans la trame organique. Ce type persiste, avec la cause qui l’a produit, dans le renouvellement perpétuel de la matière cellulaire. Ainsi une cellule unique, contenant en puissance tous les organes de l’être entier, se multipliant sous la forme de cellules premières qui en conservent tous les caractères originels, puis sous la forme de cellules secondes, disposées pour des aptitudes fonctionnelles spéciales, toujours soumises au type spécifique de l’être : telle est la loi du développement cellulaire[2]. Mystère inintelligible pour la philosophie mécaniste, cette loi n’est qu’une simple conséquence de l’idée que la philosophie vitaliste se fait de la vie. Non-seulement il est facile de comprendre comment le principe vital crée ainsi tout le système organique ; mais il serait impossible de comprendre qu’une cause créatrice ne créât pas incessamment.

  1. La Science expérimentale, p. 133.
  2. Pathologie cellulaire.