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George reprit et acheva ce récit. Itza avait tenu parole. Il s’était rendu avec elle dans une des salles en ruines du Palais et là, dans un angle recouvert par des débris, elle lui avait montré la sortie du souterrain. Il se proposait de l’explorer, ses matelots étaient prévenus, il allait les rejoindre et mettre sur-le-champ son projet à exécution. Vainement les jeunes filles l’engagèrent à attendre au lendemain, George s’y refusa. Fernand voulait l’accompagner ; un regard suppliant de Mercedes le retint. — Allez, dit-elle enfin à George, je resterai près de lui.

Deux heures d’anxiété s’écoulèrent. Fernand, silencieux, observait Mercedes. Elle priait. Enfin Carmen parut, pâle d’émotion. George la suivait. Ses vêtemens déchirés, souillés de poussière, ses mains meurtries disaient assez ses efforts. Il tenait une valise qu’il posa sur la table.

— Ouvrez, Mercedes, dit Fernand.

D’une main tremblante elle pressa le ressort rouillé et du sac ouvert retira des liasses de papiers. C’étaient des banknotes d’Angleterre, 149,000 livres sterling confiées à la probité du capitaine Warde et que restituaient enfin les ruines d’Uxmal. Mercedes regardait ce trésor. Il avait coûté la vie à son père, il lui rendait l’honneur.

— Et maintenant... Mercedes ? dit Fernand. — Elle leva lentement les yeux sur lui.

— Oh, oui ! maintenant... et toujours.


VII.

Sur les bords du lac de Côme, en face de Bellaggio mollement couchée dans son nid de verdure, se dresse, capricieuse et coquette, une de ces villas italiennes qui font rêver les poètes et soupirer les amoureux. Un beau soleil d’automne inonde les jardins en pente et se joue dans les pampres jaunissans. Assises sur une terrasse d’où la vue domine ces beaux sites si merveilleusement décrits par Manzoni, deux jeunes femmes causent. Près d’elles et quelque peu distrait par leur conversation un homme, jeune encore, décachette une lettre qu’un domestique vient de lui remettre.

— Qui vous écrit, Fernand ?

— George Willis.

— Ah ! reprend la plus jeune des deux avec une indifférence affectée ; il nous avise probablement de son prochain départ pour les antipodes.