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doucement, la main dans celle de la jeune fille, et un accablement profond succédait à l’agitation de la fièvre.

Pendant plus d’une semaine ils flottèrent ainsi entre la crainte et l’espérance. Chaque matin les deux sœurs venaient s’installer auprès du malade, qu’elles ne quittaient que le soir. La nuit, George et Itza veillaient ; c’étaient les heures difficiles. Aussitôt Mercedes partie, le blessé devenait plus agité, plus fiévreux. Il murmurait des mots incohérens, mais le nom de Mercedes revenait sans cesse sur ses lèvres. Sa présence ramenait le calme et dissipait les rêves qui troublaient son sommeil. Prévenu par George, le curé Carillo passait chaque jour une heure ou deux au Palais du Nain. Il attribuait l’accident survenu aux recherches archéologiques des jeunes gens et voyait là une raison nouvelle de croire à la fatale influence de ces ruines maudites. Don Rodriguez, de retour à Mérida, était aussi un visiteur assidu. Il devina promptement le secret de l’influence que dona Mercedes exerçait sur Fernand et n’en parut ni surpris ni affligé. Sa franche cordialité accrut encore l’estime en laquelle le tenait George Willis, dont il partageait quelquefois les veilles auprès du blessé.

Un jour vint enfin où le mal fut vaincu. Le regard de Fernand perdit sa fixité effrayante, la mémoire lui revint, et avec elle le sentiment de la réalité. Il était seul alors avec Mercedes ; assise près du lit, elle semblait plongée dans une rêverie profonde. Son visage pâli trahissait la fatigue et les émotions des jours précédens. Lasse et triste, elle suivait une pensée qui l’entraînait au loin et sur ses lèvres charmantes errait un sourire mélancolique. Fernand la contemplait, c’était bien elle. Mainte fois déjà il avait cru l’entrevoir dans un rêve, mais à ce rêve en succédaient d’autres, cauchemars bizarres, apparitions fiévreuses, qui se multipliaient autour de lui. Cette fois il se souvenait, il voyait. Ces murs, cette pièce, ces objets qui l’entouraient, il les reconnaissait. Rêves, cauchemars, visions disparaissaient ; elle était là. — Dona Mercedes, murmura-t-il. — Elle se tourna vers lui ; pour la première fois il l’appelait ainsi. — Dona Mercedes, reprit-il, vous ici ? — D’un geste gracieux, elle appuya son doigt sur ses lèvres pour lui imposer silence. — Et George où est-il ? — Je vais l’appeler. — Quelques instans après, George et Carmen étaient près de lui. Il les reconnut tous deux, les salua d’un sourire ému et reconnaissant, puis, fatigué, il obéit comme un enfant à Mercedes et s’endormit en lui tenant la main.

A partir de ce moment, la guérison fit des progrès rapides ; Fernand parlait peu, et, toujours docile aux injonctions de Mercedes, il se taisait sur sa demande, satisfait de sa promesse de rester auprès de lui. George eut là quelques jours de satisfaction