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la persévérance de son cousin, il lui abandonnait la tâche d’arracher à l’Indienne quelques renseignemens utiles. Toujours battu, jamais découragé, George maintenait son opinion que le chien était le plus intelligent des deux. L’animal escortait Fernand, gambadait à ses côtés, lui témoignant à sa façon sa reconnaissance. Itza les suivait, sans mot dire, à distance, humble et soumise. Toutefois ni l’un ni l’autre n’accompagnait Fernand dans ses visites au palais du gouverneur. Une sorte d’instinct secret semblait les avertir quand il dirigeait ses pas de ce côté. Le chien le regardait s’éloigner d’un air inquiet ; Itza, plus sombre, s’enfonçait dans les ruines pour n’en revenir qu’à la nuit. Plusieurs fois Fernand l’avait engagée à le suivre, espérant que dona Carmen réussirait peut-être à la faire parler ; mais elle répondait à ses invitations par un refus si hautain que Fernand cessa de la presser.

En présence de ce mutisme obstiné, George et Fernand se décidèrent à passer outre. La ligne principale du tracé aboutissait à la statue, de là une autre ligne très courte se dirigeait vers le sud et se terminait brusquement. Fernand mesura l’espace compris entre la statue et le mur intérieur. Il était de quinze mètres dans chaque sens. En supposant exactes les proportions du plan, l’endroit indiqué était à trois mètres de la statue. George et Fernand firent et refirent plusieurs fois leurs calculs, sur le papier d’abord, puis sur le sol même, mesurant et s’orientant avec toute la précision possible, et ils arrivèrent enfin à circonscrire le champ de leurs recherches dans d’étroites limites. Itza assistait à leurs travaux, auxquels elle ne semblait rien comprendre. Debout près de la statue, elle les regardait agir avec une impassibilité absolue.

Le point sur lequel devait porter leurs recherches étant bien déterminé, les jeunes gens firent creuser le sol. Le temps avait accumulé là une épaisse couche de terre végétale ; quand elle fut enlevée, ils constatèrent qu’elle recouvrait des pierres cimentées et qu’autrefois cette cour intérieure devait offrir dans toute son étendue une surface dallée parfaitement unie. Le ciment était intact, et pourtant, si l’on avait creusé, il devait en rester quelques indices. Fernand eut un moment de découragement, mais George, convaincu que leurs calculs étaient exacts, insista pour aller jusqu’au bout et affirma qu’ils devaient dépaver la cour si c’était nécessaire. L’entreprise n’était pas aisée ; il fallait à tout le moins desceller une des dalles pour soulever les autres. George suggéra qu’à défaut de joint pour opérer avec un levier, le plus court était de creuser un trou de mine et de faire sauter l’obstacle. Il est vrai que l’on courait le risque de renverser la statue, mais une vieille idole de plus ou de moins n’était pas, suivant lui, à regretter. Fernand se rallia à son avis, et les matelots