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écouté. Si tu en as beaucoup et souvent de pareilles, nous n’avancerons guère. Laisse-moi chercher un moyen de mettre ta conscience à l’aise.

L’arrivée inattendue du curé Carillo vint dissiper la contrainte qui régnait dans le petit groupe. Il remit à George un mot de don Rodriguez par lequel ce dernier l’avisait qu’obligé de s’absenter quelques jours, il viendrait le voir à son retour et qu’il n’avait aucune nouvelle d’Harris. Dona Mercedes insista pour retenir le curé à prendre le thé. Il y consentit, non sans regarder avec une certaine inquiétude les idoles sculptées, qui causaient toujours au bon prêtre un malaise dont il n’était pas maître. On lui fit fête, on l’entoura si bien, on le questionna tant qu’il finit par retrouver son enjouement habituel. Les jeunes gens le laissèrent seul avec dona Mercedes, et s’éloignèrent sous prétexte d’examiner les bas-reliefs d’une salle récemment déblayée. Carmen les accompagna. Chemin faisant, George Willis s’arrêta comme saisi par une inspiration subite. — Dona Carmen, dit-il, permettez-moi de revenir sur notre dernière conversation. Voici Fernand avec qui je m’en suis longuement entretenu : je lui ai soumis un projet dont je ne puis faire l’éloge, puisque j’en suis l’auteur ; il l’approuve, mais au moment de l’exécuter il lui vient des doutes. Vous seule pouvez les dissiper.

Carmen le regarda avec surprise. — Je ne vous comprends pas.

— Pas plus que je ne comprends Fernand. Voici ce dont il s’agit.

Il lui dit alors ce qu’il se proposait de faire, insistant sur leur désir d’épargner à dona Mercedes des questions qu’ils pensaient devoir lui être pénibles. Il exposa avec une candeur parfaite leurs suppositions, leur embarras et leur volonté bien arrêtée de poursuivre l’exécution de leur plan.

— Parlez-vous sérieusement ?

— Je ne fais jamais que cela, répondit George Willis, et je ne sais pas pourquoi vous vous y trompez.

Dona Carmen réfléchit quelques instans. — Je ne puis ni ne dois vous dissuader. Vous entreprenez là une tâche pénible, mais le but que vous poursuivez et les motifs qui vous font agir sont nobles et généreux. Je voudrais pouvoir vous aider, mais comment ? Maintes fois j’ai interrogé ma sœur, elle a toujours ajourné ses explications. Ce n’est donc pas la trahir que de vous dire le peu que je sais.

Elle leur raconta alors que, quelques jours avant de quitter Mexico, Mercedes reçut un pli qu’elle ouvrit en sa présence. Dans ce pli se trouvait le papier qu’elle leur avait communiqué, et sur