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américain prétend qu’à notre cage on va droit à l’amour comme un canard à l’eau ; tu lui donnes raison.

— George, il ne s’agit pas ici de ton philosophe américain. Causons, si tu le veux, mais causons sérieusement.

— Eh parbleu ! c’est où je veux en venir, et ma plaisanterie n’avait d’autre but que de t’ arracher à tes préoccupations.

Habitué de longue date aux allures de son cousin, Fernand le savait de bon conseil, sincère et droit, aussi lui fit-il un récit détaillé de son entretien avec dona Mercedes. Il n’omit qu’un seul point : ses derniers mots à la jeune fille et la manière dont elle les avait accueillis.

George écouta en silence. — M’est avis, Fernand, que tu nous as embarqués dans une affaire terriblement compliquée.

— Moi... peut-être, mais toi...

— Allons donc, interrompit George, tu y es, donc j’y suis, et je ne m’en plains pas. Ah ! mais non. Un problème à résoudre, un ami à tirer d’embarras, sans compter... que dona Carmen est charmante. Il est vrai qu’elle ne me comprend pas, elle me l’a dit cent fois, et j’ai toute sorte de raisons de croire que je lui suis profondément antipathique... qui sait, cela vaut peut-être mieux que de lui être indifférent. Mais laissons ce détail, ajouta-t-il en remarquant la surprise de Fernand. Si je le mentionne, c’est qu’en rendant service à dona Mercedes, je forcerai sa sœur à être mon obligée ; ce sera ma vengeance. Résumons -nous maintenant. Dona Mercedes a un secret ; nous le confiera-t-elle ?.. Je ne le crois pas.

— Pourquoi ?

— Parce qu’elle ne te l’a pas dit cette après-midi.

— C’est moi qui l’en ai empêchée.

— Je le sais bien. C’est très chevaleresque, mais fort peu pratique, ce que tu as fait là. Il fallait la laisser parler. Maintenant il n’est plus temps : elle réfléchira et se taira ; mais, si elle n’en a pas dit assez, tu en as trop dit, toi, pour reculer. Ce qu’elle veut faire, c’est à nous de l’accomplir, tout en respectant son silence. Pour cela, procédons avec ordre et méthode.

— C’est dans ces ruines que se trouve le mot de l’énigme, et ce plan peut seul nous guider clans nos recherches.

— Bien ; accord parfait sur ce point. Mais ce plan ? pourrais-tu le reproduire fidèlement ?

— Il me semble l’avoir sous les yeux.

— Copie-le alors, sans rien omettre.

Pendant que Fernand s’acquittait de cette tâche, George Willis réfléchissait. Qu’avait voulu dire dona Mercedes par ces mots : Me tiendriez-vous ce langage si vous saviez... Quoi ? Puis : Pourquoi