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à moins qu’on ne les suppose frappés de terreur ou doués d’une confiance aveugle dans l’efficacité de leur ordre de bataille. Les Athéniens ont de solides rameurs et d’habiles pilotes ; ils sont aussi souples dans leurs évolutions que prompts et foudroyans quand il s’agit de donner le choc. La fuite ne réussit pas mieux que le combat aux alliés. Phormion leur prend douze vaisseaux avant qu’ils aient eu le temps de gagner l’appui du rivage. Il fait passer à bord de ses navires les équipages capturés, et, satisfait de son avantage, retourne à Naupacte.

Machaon, Isocrate et Agatharchidas se croient encore trop près d’un ennemi qui vient de leur donner une si rude leçon. Pour ces généraux en proie à la panique, il n’est plus question d’aller porter la guerre en Acarnanie ; le lendemain même du combat, ils continuent de raser la côte et vont, doublant le cap Papa, — le promontoire Araxus des anciens, — se refaire à Cyllène, arsenal maritime des Éléens. C’est là que Cnémos, honteux de sa défaite, impatient d’en effacer, par une revanche éclatante, jusqu’au souvenir, vient les rejoindre avec les vaisseaux de Leucade.

Sparte était humiliée ; deux échecs successifs, c’était plus que ne pouvait supporter son orgueil. Elle ne songe pas cependant à révoquer le navarque malheureux, elle se contente de lui envoyer trois conseillers : Timocrate, Lycophron et Brasidas. — Ces trois conseillers apportent l’ordre de reprendre l’offensive et de se mieux préparer au combat ; d’importans renforts ne tarderont pas à rallier Cnémos, Phormion, de son côté, réclamait avec insistance des secours, car il prévoyait une attaque prochaine. On lui expédia vingt vaisseaux ; mais on commit l’inqualifiable faute de faire toucher ces vingt vaisseaux en Crète pour y ravager le territoire de Cydonie, ville crétoise à laquelle on reprochait de s’être déclarée contre Athènes. Phormion va rester seul exposé à l’orage.

Les Péloponésiens cependant ont terminé leurs préparatifs à Cyllène. Ils rentrent dans le golfe et, sans reprendre haleine, serrant selon leur coutume la côte de très près, ils poussent dès le premier jour jusqu’à Panorme. Leur flotte se trouve ainsi mouillée à l’est des Petites-Dardanelles, à trois kilomètres environ en dedans de Rhium. A Panorme, toute une armée répond de la sûreté de la flotte et se tient prête à seconder ses opérations. Phormion comprend que quelque coup de vigueur se prépare. Il quitte Naupacte et vient prendre poste à Anti-Rhium. Les Péloponésiens de leur côté se portent à Rhium d’Achaïe. Un bras de mer, d’une largeur de 1,300 ou 1,400 mètres à peine, sépare désormais les deux flottes. Aux vingt vaisseaux de Phormion les Péloponésiens peuvent cette fois en opposer soixante-sept. Pendant quelques jours, les deux flottes se bornent à s’observer. Les Péloponésiens ne veulent pas s’engager