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place, eût été sans doute plus indulgent ; on ne l’aurait pas vu cependant gravir les degrés du Pnyx. Le Pnyx, avec sa tribune aux harangues, c’était la roche Tarpéienne d’Athènes.


IV

La guerre du Péloponèsene présente pas l’unité majestueuse de la guerre médique. Elle émeut moins ; ce n’est pas une épopée ; elle instruit peut-être davantage. C’est elle qui nous fera connaître la tactique navale des Grecs. Les combats des Corinthiens et des Corcyréens n’avaient été, comme la bataille de Salamine, que des mêlées, un grand fracas de rames et de coques. Là où l’embolon, — le rostrum des Romains, l’éperon de l’amiral Labrousse, n’avait pas joué son rôle — si tant est qu’à cette époque l’embolon fût déjà inventé, — on avait combattu brutalement, sans art, sans manœuvres, à la façon antique. « Les tillacs étaient couverts d’hoplites, d’archers, de gens de trait. On s’était accroché et on avait lutté de pied ferme, pendant que les vaisseaux restaient immobiles. » Avec la guerre du Péloponèse, nous allons voir apparaître tout un ordre de combinaisons qui rappelle à s’y méprendre nos évolutions actuelles. Une escadre cuirassée s’efforcera généralement « de gagner sur l’ennemi la position de chasseur et de lui imposer la position de chassé. » Elle aura pour objet de se présenter de pointe à des navires qui ne pourront plus essayer de reprendre une situation offensive sans courir le risque de se découvrir et de prêter par la moindre embardée le flanc à l’attaque. Ce procédé de combat, les trières d’Athènes l’ont inauguré, 429 ans avant notre ère, dans la baie de Patras. L’évolution comprenait alors, tout comme aujourd’hui, deux temps très distincts : On traversait d’abord la ligne de son adversaire ; on se retournait ensuite brusquement, par un mouvement d’ensemble, tenant ainsi la flotte qu’on avait percée et deux fois surprise à demi vaincue sous son éperon. Au temps de la marine à voiles, les Suffren, les Howe, les Rodney, les Nelson, ont opéré d’une façon différente. Ils n’ont pas cherché à pénétrer de toutes parts le front opposé ; ils se sont appliqués à le rompre sur un ou plusieurs points et ils en ont ensuite enveloppé les tronçons avec des forces supérieures. La faiblesse de la brise ou le vent contraire a presque toujours secondé leurs calculs. Les divisions qu’ils avaient rejetées en dehors du combat faisaient de vains efforts pour se porter au secours des vaisseaux assaillis. La vapeur déjouerait aisément semblable tentative. Avec la rapidité qui lui est propre et qui, sur le champ de bataille, supprime en quelque sorte les distances, elle ferait affluer les renforts vers les points où l’unité brisée paraîtrait amener des luttes trop inégales. La rame