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vingt-cinq bancs coûtait au roi de France, en 1689, 14,000 livres sans ses agrès, 23,000 quand elle était complètement équipée[1]. La flotte athénienne ne pouvait, suivant mes calculs, représenter une valeur moindre de 4 ou 5 millions de francs. On avait garanti cette flotte et la ville de toute attaque venant du continent. 48 kilomètres de murailles, épaisses à y faire passer deux chars de front, hautes de 56 pieds, enveloppaient Athènes, Phalère, Munychie, le Pirée. Il fallait seize mille hommes pour les garder ; grâce à ces enceintes, Athènes était devenu une île ; on ne pouvait l’assaillir que par la mer, et la mer était athénienne. Pas plus sous Périclès que sous Agamemnon les villes fortifiées n’avaient à redouter une attaque de vive force. On pouvait bien battre le pied des murs à coups de bélier, cerner la place assiégée par des retranchemens, élever en face des tours et des courtines la terrasse, ce fameux cavalier de terre qu’ont tant de fois édifié les Romains et que les Turcs, flegmatiques gardiens du passé, construisaient encore il y a deux siècles ; du haut de la terrasse lancer à niveau des parapets les traits et les javelines sur l’ennemi ; les sièges n’en duraient pas moins dix ans, et les villes ne capitulaient, quand elles n’étaient pas livrées, que devant la famine. Athènes et le Pirée étaient donc considérés à bon droit comme inexpugnables.

Aux ressources que gardait le trésor de l’Acropole, la république eût ajouté sans peine 2 millions 780,000 francs résultant des offrandes privées, des dépouilles des Mèdes, des vases sacrés affectés aux cérémonies et aux jeux. Elle pouvait emprunter en outre près de 3 millions aux temples et aux draperies d’or dont on avait paré la statue de Minerve. Le fonds de réserve, le trésor de guerre, si nous l’appelons du nom qu’on lui donnerait aujourd’hui, se serait trouvé de cette façon reporté au chiffre de 40 millions de francs. Le revenu annuel dépassait 3 millions.

La république n’eût pas osé prétendre sur la terre ferme à la suprématie que lui assurait sa flotte partout où les vents consentaient à la conduire. Athènes avait cependant rassemblé plus d’une fois et dans un bref délai treize mille hoplites, douze cents cavaliers et seize cents archers. L’hoplite, c’était le sergent d’armes du moyen âge. Une armée de treize mille hoplites supposait une suite au moins égale en nombre de valets. On voit que Périclès, tout en s’occupant fort d’encourager les poètes, les sculpteurs et les peintres, s’était bien gardé de négliger la défense du pays. Si, comme Louis XIV, il aima trop « la guerre et le bâtiment, » il ne laissa du moins rien bâtir qui ne fût un modèle pour les siècles

  1. En 1342, le prix de construction d’une galère catalane fut réglé au taux de 1,666 livres barcelonaises ? en 1599, ce prix s’était élevé à 15,000 livres. Deux siècles et demi avaient suffi pour faire varier la proportion de 1 à 9.