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Napoléon Ier en a fait l’épreuve. Tous les efforts de son merveilleux génie, toutes les séductions de sa grâce suprême, sont venus se briser contre l’indomptable orgueil de cette vieille maison qui s’appelait l’Espagne. Ni la Hollande, ni le Portugal ne se sont montrés d’assimilation plus facile.

Le peuple de Charles-Quint, les descendans des comtes de Horn et des frères de Witt, ceux qui comptaient Vasco de Gama, Albuquerque et don Juan de Castro parmi leurs ancêtres, auraient-ils donc cessé de tenir leur place dans le vaste univers, si l’empire français les eût absorbés dans son sein ? Assurément non : il n’est pas un atome qui s’anéantisse en ce monde. L’anéantissement n’atteint pas plus un peuple qu’il n’atteint un individu, mais on peut dire avec assurance qu’un peuple meurt du jour qu’il subit cette transformation radicale dont le premier symptôme est incontestablement la lente dissolution de la forme que le corps social avait, à l’heure de son plein développement, revêtue. Chez tout ce qui respire, chez tout ce qui végète, l’énergie des forces vitales ne devrait s’user qu’à la longue. Ces déclins réguliers malheureusement sont rares. La fleur a le ver qui la tue, l’homme a ses passions qui le minent, les nations ont leurs compétitions intérieures qui les désagrègent. La gelée ne fait pas plus sûrement éclater la pierre. La guerre médique semblait avoir cimenté à jamais l’union de la race dorique et de la race ionienne ; les Grecs avaient une patrie, et cette patrie n’était ni Sparte, ni Corinthe, ni Athènes ; elle était le patrimoine commun de tous ceux qui avaient contribué à refouler le Perse en Asie. Les premiers démêlés qui portèrent atteinte à cette conviction salutaire préparèrent la guerre du Péloponèse, la pire des guerres, à coup sûr, puisqu’on peut la flétrir du nom de guerre civile. La patrie déchirée ne se releva pas de ce coup funeste, et, de chute en chute, les Grecs en arrivèrent, dans l’espace de deux siècles, à n’être plus bons qu’à divertir les Romains.


II

L’humeur intraitable de Pausanias avait dégoûté à jamais les alliés du commandement rigoureux d’un général Spartiate ; les Lacédémoniens, de leur côté, éprouvaient le désir de se débarrasser de la guerre médique. Le Péloponèse avait moins à craindre que l’Attaque et les îles un retour offensif du grand roi ; il était donc naturel que les Athéniens restassent chargés d’écarter par leur vigilance le danger qui les menaçait entre tous les Grecs. Les Athéniens ne pouvaient pourtant supporter à eux seuls les frais qu’allait entraîner la poursuite des hostilités. Un compromis intervint : il fut convenu