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les premiers citoyens ; de leur pays, on ne pourrait s’empêcher de voir la monarchie des Perses sous un nouveau jour.

Pausanias commandait dans l’Hellespont, quand il fut accusé à Lacédémone par les alliés mécontens de ses rigueurs excessives. Ce Spartiate, chargé d’exercer le pouvoir royal au nom de son cousin, fils de Léonidas, trop jeune encore pour remplir les fonctions dévolues à son rang, paraît avoir eu sur la discipline militaire des idées dont s’accommodait mal l’humeur indépendante de ses troupes. Les soldats se vengèrent de la sévérité de leur chef en portant contre lui l’accusation de médisme. On sait la puissance des mots sur les masses ; c’est avec des mots que, de tout temps, on a conduit les peuples. « Pausanias, disait-on, abandonnait déjà les mœurs de son pays. » Ne déployait-il pas à sa table une somptuosité qui contrastait étrangement avec les frugales habitudes de Sparte ? Ne l’avait-on pas vu, — indice infiniment plus grave, — sortir de Byzance revêtu de la longue robe des Mèdes ? L’inclémence du climat, à l’entrée de l’hiver, eût pu être, pour cette dérogation aux coutumes nationales, l’excuse d’un général qui n’eût pas eu à lutter contre des préventions opiniâtres. Il n’en était pas moins imprudent de se montrer à l’armée sous ce vêtement haï, plus imprudent encore de s’entourer d’une escorte composée de barbares. Pausanias fut rappelé de l’Hellespont Les griefs, articulés contre lui étaient trop vagues pour qu’on osât déférer sa conduite au jugement du peuple ; on se contenta de le priver de l’honneur de commander les Grecs. On ne disgracie jamais sans danger un général victorieux. L’orgueil blessé de Pausanias paraît avoir ouvert son âme à des desseins dont il nous est aujourd’hui difficile d’apprécier l’étendue. Que Pausanias soit entré en relations avec Xerxès, nous ne nous permettrons pas d’en douter, puisque Thucydide l’atteste ; le souverain des Perses ne poussa probablement pas la crédulité jusqu’à s’imaginer que ce général coupable pût être de taille à lui livrer Sparte et la Grèce. Une armée mercenaire, comme celle du vieux Tilly ou de Wallenstein, appartient, à son chef ; les soldats de Platée et de Mycale n’avaient rien de commun avec les reîtres qui, au XVIIe siècle, désolèrent. L’Allemagne. Ils étaient de ce pays où l’on répondait à Miltiade ne réclamant pour pris de ses services qu’une couronne de laurier : « Quand vous aurez repoussé tout seul les barbares, vous aurez tout seul une couronne. » Chez les modernes même, plus justes envers le commandement, on ne cita qu’un général aux pieds duquel l’armée ait toujours été prête à se jeter avec ses trophées et avec sa gloire. « Prenez, lui disait-elle, car tout cela est à vous. » Mais ce général revenait d’Égypte et, il avait signé la paix de Campo-Formio. Dumouriez n’entraîna pas